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Il en conviendra, alors je lui demanderai si cette unité à laquelle ces parties veulent se rattacher est parfaitement réalisée par elles, ou si elles s'en écartent beaucoup et n'en sont qu'une fausse image. Il l'avouera encore. Quel homme en effet, pour peu qu'on l'avertisse, ne comprendra qu'il n'est aucune espèce de corps, qu'il n'est même aucun corps où ne se rencontrent quelques traces d'unité, et que néanmoins, si beau que soit un corps, il n'atteint jamais à l'idéal d'unité qu'il poursuit, puisqu'il a nécessairement des parties diverses dans les divers points d'étendue qu'il occupe? Si donc il l'avoue, il devra me dire encore où il a vu cette unité et comment il l'a aperçue. Car s'il ne la voit point, pourra-t-il connaître combien chaque corps s'approche de l'unité et combien il s'en éloigne ? Il peut dire aux corps : Vous ne seriez rien, si quelque lien ne vous contenait dans l'unité ; mais si vous étiez l'unité parfaite, vous ne seriez pas des corps. On pourrait lui répondre aussitôt : Où as-tu découvert cette unité d'après laquelle tu juges les corps? Car si tu ne la voyais pas, tu ne pourrais affirmer qu'ils ne l'ont point réalisée. Si c'est ton oeil qui te la fait apercevoir, peux-tu dire qu'ils en sont bien éloignés quoiqu'ils en conservent quelques traces ? Car tes yeux formés de matière ne voient que la matière. L'unité n'est donc visible qu'à l'esprit.
Mais où la voyons-nous? Si elle occupait ici le même espace que notre corps, on ne la verrait pas en Orient pour juger les corps comme nous faisons ici. Elle n'est donc point limitée par l'espace, et comme elle aide partout à juger localement, elle n'est en aucun lieu, et par sa puissance elle est partout.