6.
Certains philosophes ont poussé l'analyse jusqu'à distinguer les opérations des cinq sens d'après le rôle qu'y remplissent les quatre éléments : d'après eux la vue à rapport au feu, l'ouïe à l'air, l'odorat et le goût se rattachent à l'eau; l'odorat en effet, exige pour s'exercer les exhalaisons qui vont épaissir l'air où volent les oiseaux; le goût, la sécrétion d'une humeur grasse et visqueuse. La saveur des substances n'est perçue qu'à la condition qu'elles se mêlent à la salive, fussent-elles toutes sèches quand elles ont été introduites dans la bouche. Cependant le feu se mêle à tous les éléments pour y produire le mouvement.L'eau, en effet, se congèle par défaut de chaleur, et quoique les autres éléments puissent être portés à une haute température, le feu ne peut perdre la sienne : il s'éteint et cesse d'être, plutôt que de rester froid ou de s'attiédir au contact d'un corps froid. Quant au cinquième sens, le tact, il correspond à la terre : remarquez qu'il est répandu sur toute la surface du corps qui n'est qu'une argile transformée. On ajoute même que les corps cesseraient d'être visibles ou palpables, en l'absence du feu ou de la terre. Il faut donc conclure que tous les éléments se mêlent entre eux et que leur nom vient de la propriété maîtresse qui les distingue. Pourquoi les sens s'émoussent-ils, quand le corps éprouve un froid trop vif? Cela tient au ralentissement du mouvement naturel que le corps doit à la chaleur, et qui s'opère au moment que le feu se mêle à l'air, l'air à l'eau, l'eau à la masse argileuse du corps, les éléments les plus subtils pénétrant les plus épais.
Plus la matière est subtile, plus elle se rapproche sans doute de l'esprit : toutefois, il y a toujours un abîme entre ces deux substances, puisque l'une reste corps et que l'autre ne le devient jamais.