30.
Examinons maintenant, dans les limites que nous trace le plan de cet ouvrage, le texte dont nous avons tout-à-l'heure ajourné la discussion : « J'étais un enfant d'heureux naturel, j'ai reçu une âme bonne, et devenant meilleur je me suis uni à un corps pur 1. » Ce texte semble favorable à ceux qui prétendent que les âmes, loin d'être produites par celles des parents, viennent ou descendent d'en haut et sont envoyées par Dieu dans le corps; en revanche, les expressions : «J'ai reçu une âme bonne, » ne laissent pas d'être fort embarrassantes pour eux : car, ils croient sans aucun doute que les âmes envoyées par Dieu dans, les corps sortent d'une source unique dont elles sont comme autant de ruisseaux ou du moins sont de la même espèce, ils n'admettent pas que les unes soient bonnes ou meilleures, les autres mauvaises ou pires encore. D'où viennent en effet les différences qui rendent les âmes bonnes ou mauvaises, à divers degrés, sinon des habitudes librement contractées ou des tempéraments, qui font plus ou moins plier l'âme « sous le poids de ce corps corrompu qui est un faix pour l'âme 2 ? » Or, aucune âme, avant de descendre dans le corps, n'a contracté d'habitudes en vertu d'actes personnels, et ce n'est pas en songeant à un corps moins lourd que l'auteur de ce passage a pu dire de lui-même : « J'étais un enfant d'heureux naturel, j'ai reçu une âme bonne et devenant meilleur je me suis uni à un corps pur. » Ainsi il était bon avant de descendre dans un corps, mais cette bonté ne tenait ni à, la différence des moeurs, puisqu'il n'avait point acquis de mérites dans une existence antérieure, ni à quelque différence dans le corps, puisqu'il était bon avant d'y descendre. A quoi tenait-elle donc ?