LVI. (III. XXXIII, 4-3.)
Sur les bénédictions de Moïse. — « Et voici la bénédiction que Moïse, homme de Dieu, donna aux enfants d'Israël, avant de mourir. Il dit: Le Seigneur est venu de Sinaï et il s'est levé de Séïr sur nous: il est venu en hâte de Pharan à Cadès avec des multitudes. Ses anges étaient avec lui à sa droite et il a épargné son peuple. Tous les saints sont dans votre main, et ils sont au-dessous de vous. Le peuple a reçu la Loi, qui contient ses propres paroleset que nous a donnée Moïse pour être l'héritage des assemblées de Jacob. Son bien-aimé l'aura pour prince, les princes des peuples étant unis avec les tribus d'Israël. » Cette prophétie ne doit pas être passée négligemment sous silence. Car les bénédictions de Moïse semblent se rapporter au peuple nouveau, que le Christ notre Seigneur a sanctifié. Moïse parle non point en son nom personnel, mais au nom du Christ, comme la suite le fait voir avec évidence. En effet s'il dit: « Le Seigneur est venu de Sinaï, » parce que la Loi fut donnée sur cette montagne; que signifient les mots suivants: « et il s'est levé de Séïr sur nous, » puisque. Séïr est une montagne. du pays d'Idumée, où régna Esaü ? Ensuite, quand Moise a béni les enfants d'Israël dans les termes que l'Ecriture vient de rapporter, comment ajoute-t-il: «Et le peuple a reçu ta Loi, qui contient ses paroles et que nous a donnée Moïse? » C'est donc, ainsi que nous l'avons dit, une prédiction relative au peuple nouveau sanctifié parla grâce du Christ, et cette prédiction s'adresse aux enfants d'Israël, parce que celui-ci est fils d'Abraham, qu'ils sont, par conséquent, les enfants de la promesse, et que le nom de leur père signifie: Qui voit Dieu.
Ainsi, le Seigneur venu de Sinaï, c'est le Christ car Sinaï veut dire: épreuve. Il est venu de l'épreuve qu'il a subie dans sa passion et sa mort sur la croix. « Et il s'est levé de Séïr 1. » Séïr signifie : couvert de poils : c'est la figure du pécheur. Esaü, qui fut un objet d'aversion, vint au monde couvert de poils 2. Mais « la lumière a brillé pour ceux qui étaient assis dans les ténèbres et à l'ombre de la mort 3. » Voilà pourquoi « Dieu « s'est levé de Séïr. » On peut voir aussi, non sans raison, dans ce passage, une annonce prophétique de la communication de la grâce de Jésus-Christ, faite au peuple d'Israël, par les Nations que désigne cette montagne de Séïr, renfermée dans le royaume d'Esaü. L'Apôtre ne dit-il pas: « Ainsi les Juifs ont été maintenant incrédules à la miséricorde que vous avez reçue, afin qu'ils obtiennent eux-mêmes miséricorde 4. » Les Israélites s'écrient donc: « Dieu s'est levé de Séïr sur nous, et il est venu en hâte de Pharan, » c'est-à-dire, d'une montagne fertile: telle est en effet la signification de Pharan, qui est la figure de l'Eglise. Il est venu « à Cadès avec des multitudes.» Cadès signifie à la fois : changement et Sainteté. Des multitudes considérables ont donc été changées et sanctifiées par la grâce, et le Christ est venu à leur tête pour recueillir les Israëlites : Ce qui suit: « Ses anges étaient avec lui à sa droite, » n'a pas besoin de commentaires. « Et il a pardonné à son peuple 5, » en lui accordant la rémission de ses péchés. Moïse s'adresse ensuite directement à Jésus-Christ : « Tous les saints, dit-il, sont dans votre main, et ils sont au-dessous de vous: » allusion évidente, non pas à ces hommes superbes, « qui s'efforcent d'établir eux-mêmes leur propre justice, » mais « à ceux qui reconnaissent la grâce et se sou« mettent à la justice de Dieu 6. » Le texte ajoute « Et il a reçu la Loi qui contient ses propres paroles. » Le peuple, dont on vient de dire: « Dieu a pardonné à son peuple,» est évidemment celui dont parle ici l'Ecriture 7. Il a reçu la Loi, qui contient les paroles divines, en ce sens qu'il a compris par sa doctrine cette même Loi qui nous a été donnée par Moïse. Jésus-Christ dit en effet dans l'Evangile : « Si vous croyiez Moise, vous me croiriez aussi: car c'est de moi qu'il a écrit 8. » Ce peuple n'a pas reçu la Loi, tant qu'il n'en a pas eu l'intelligence; mais il l'a reçue quand le voile antique a été soulevé et que, tourné vers le Seigneur, il a compris ses paroles. Moise dit de cette Loi, qu'elle forme « l'héritage des assemblées de Jacob:» l'héritage, non pas terrestre et temporel, mais céleste et éternel. « Son bien-aimé l'aura pour prince 9; » cela veut dire évidemment: Le Seigneur Jésus régnera au milieu de son peuple bien-aimé; « les princes des peuples, » c'est-à-dire, des Gentils, « étant unis avec les tribus d'Israël, » afin que s'accomplisse ce qui a été dit plus haut : « Nations, réjouissez-vous de concert avec mon peuple; — car une partie des Juifs est tombée dans l'aveuglement, jusqu'à ce que la multitude des nations soit entrée et que tout Israël soit ainsi sauvé ?10 »