5.
« Que le Seigneur lui porte secours1 ». Mais où ? Peut-être dans le ciel, peut-être dans ce qui concerne la vie éternelle, en sorte qu’il lui reste à servir le diable, dans les privations terrestres, et à cause des nécessités de cette vie! Non. Tu as la promesse de la vie présente et de la vie future2. Il est venu te trouver sur la terre, celui qui a créé le ciel et la terre. Ecoute enfin ce qu’il dit ensuite: « Que le Seigneur lui porte du secours sur son lit de douleur ». Ce lit de douleur, c’est l’infirmité de la chair. Ne dis point: Je ne puis maîtriser, ni porter, ni refréner ma chair : Dieu te donne cette puissance. « Que le Seigneur te porte secours sur ton lit de douleur ». Ton lit te portait et tu ne portais pas ton lit ; mais tu avais une paralysie intérieure ; le Christ est venu te dire: « Prends ton grabat et va dans ta maison3. Que le Seigneur lui porte du secours sur son lit de douleur ». Le Prophète en appelle maintenant à Dieu, comme si on lui demandait: Puisque Dieu nous porte du secours, pourquoi donc avons-nous à subir tant de douleurs en cette vie, tant de scandales, tant de travaux, tant de troubles du côté de la chair et du monde ? Il en appelle à Dieu et nous expose la sagesse de ses remèdes. « Pendant son infirmité », dit-il, « vous avez bouleversé toute sa couche ». Mais qu’est-ce que cela: « Vous avez bouleversé toute sa couche pendant son infirmité ? » Cette couche se dit de quelque chose de terrestre. Toute âme infirme en cette vie cherche quelque chose de terrestre où elle se puisse reposer, car elle ne peut supporter que difficilement la fatigue d’une tension de l’esprit vers Dieu; elle cherche donc sur la terre quelque objet qui lui serve de repos, où elle puisse en quelque sorte s’étendre et faire une pose, comme sont les choses que peuvent aimer les âmes innocentes. Il n’est point ici question de ces convoitises perverses qui font que les uns se délassent au théâtre, les autres dans le cirque, dans l’amphithéâtre, celui-ci dans les jeux, celui-là dans la bonne chère, plusieurs dans les voluptés de l’adultère, d’autres dans les violences de la rapine, d’autres enfin dans la fraude et dans les artifices de la fourberie; tout cela est pour ces hommes un délassement. Comment un délassement? lis y trouvent une félicité. Mais éloignons tout cela pour en venir à l’homme innocent. Il trouve son repos dans sa maison, dans sa famille, dans son épouse, dans ses enfants, dans sa pauvreté, dans son champ médiocre, dans le petit jardin qu’il a planté, dans quelque bâtisse qu’il a faite avec soin ; c’est en cela que se délassent les justes. Toutefois, Dieu qui veut que nous n’ayons d’amour que pour la vie éternelle, mêle des amertumes à nos plaisirs les plus innocents, afin de nous y faire sentir la tribulation et de retourner ainsi notre couche, dans notre infirmité. « Pendant mon infirmité vous avez bouleversé toute ma couche ». Qu’il ne cherche donc point pourquoi il trouve des épines même dans ses oeuvres les plus innocentes. L’amertume des choses de la terre lui apprend à s’élever à un amour supérieur; de peur que ce voyageur qui va dans sa patrie ne prenne l’hôtellerie pour sa maison, « vous avez bouleversé toute sa couche pendant son infirmité ».