2.
Voici donc le titre du psaume: « Pour la fin, pour l’intelligence, psaume aux fils de Coré1 ». D’autres titres encore font mention des fils de Coré2, et il me souvient de vous en avoir parlé, de vous avoir expliqué le sens de cette dénomination; et pourtant, il faut dire un mot de ce titre: ce que nous en avons dit auparavant ne doit pas nous empêcher d’en parler; tous n’étaient pas présents toutes les fois que nous en avons parlé. Que Coré ait été un homme, comme il est vrai, et qu’il ait eu des enfants appelés fils de Coré3 pour nous, cherchons la figure qu’il nous dérobe et faisons ressortir les mystères dont ce nom est chargé. Car c’est dans le sens d’un profond mystère que l’on appelle les chrétiens fils de Coré. Comment fils de Coré? fils de l’Epoux, fils du Christ. Les chrétiens sont appelés aussi fils de l’Epoux4.Comment donc le Christ serait-il Coré? C’est que Coré signifie l’endroit chauve ou Calvaire. Mais ceci paraît encore bien éloigné. Je demandais pourquoi le Christ est appelé Coré, et je cherche plus encore les rapports du Christ avec le mot chauve ou Calvaire. Or, le lieu du Calvaire où il fut crucifié5, ne vous vient-il pas en pensée ? Il vous vient assurément. Donc les fils de l’époux, les fils de ses douleurs, les fils rachetés par son sang, les fils de sa croix, qui portent gravé sur leur front, ce que ses ennemis désirent sur le Calvaire, sont appelés fils de Coré. C’est pour eux, pour leur donner l’intelligence, que nous chantons ce Psaume. Stimulons donc notre intelligence, et comprenons-le, puisqu’il est chanté pour nous. Que nous faut-il comprendre? En le chantant quelle intelligence veut-on nous en donner? J’ose bien dire: « Les perfections invisibles de Dieu sont devenues visibles depuis la création du monde, par tout ce qui a été fait6». Entrez donc avec moi, mes frères, dans une sainte avidité, prenez part à mon désir. Aimons ensemble, ayons soif ensemble et courons ensemble aux sources de l’intelligence. Soupirons comme le cerf après cette fontaine; et, sans parler de cette source de la rémission des péchés, après laquelle soupirent nos catéchumènes, soupirons, nous qui sommes baptisés, après cette autre fontaine dont l’Ecriture dit ailleurs : « C’est en vous qu’est la source de la vie ». Source qui est aussi une lumière, « puisque c’est à votre lumière que nous verrons la lumière7 ». Si donc il est source et lumière, il est aussi intelligence, car il apaise dans une âme la soif de la science; et quiconque a de l’intelligence est éclairé par une certaine lumière, qui n’est ni corporelle, ni charnelle, ni extérieure, mais intérieure. Il y a donc, mes frères, une certaine lumière intérieure qui manque à l’homme dépourvu d’intelligence. Aussi l’Apôtre conjure-t-il ainsi ceux qui soupirent après cette source d’eau vive, et qui en goûtent quelque peu: « Désormais, ne marchez plus comme les Gentils, qui s’avancent dans la vanité de leurs pensées, qui ont l’esprit plein de ténèbres, entièrement éloignés de. la vie de Dieu, à cause de l’ignorance qui est en eux et de l’aveuglement de leur cœur8». Si donc leur intelligence est obscurcie, c’est-à-dire s’ils sont dans les ténèbres parce qu’ils ne comprennent point, il suit de là que l’intelligence est une lumière. Cours donc à la fontaine, soupire après les sources d’eau vive. C’est en Dieu qu’est la source de la vie et la source intarissable : c’est de son flambeau que nous vient une lumière qui ne s’obscurcira jamais. Soupire après cette lumière, après cette fontaine, lumière que tes yeux ne connaissent point, lumière à laquelle tu dois préparer l’oeil de ton âme, fontaine où ne peut se désaltérer que la soif intérieure. Cours à cette fontaine, soupire après ses eaux ; mais n’y cours point d’une manière telle quelle, ni comme tout animal peut y courir; cours-y comme le cerf. Qu’est-ce à dire, comme le cerf? Qu’il n’y ait rien de pesant dans ta course, mais qu’elle’ soit légère, que tes désirs soient vifs. Le cerf est pour nous un modèle de vitesse.