15.
Mais sans doute ces étrangers, qu’on nomme leurs proches, leur viennent en aide? Voyez ce qu’ils peuvent leur donner, écoutez à ce propos les railleries de l’Ecriture : « L’imprudent et l’insensé périront ensemble, et ils laisseront leurs biens à des étrangers». Pourquoi dit-il : « A des étrangers? » Parce qu’ils ne pourront leur être d’aucun secours. Et toutefois voyez en quoi ils s’imaginent leur être utiles : « Et leurs tombeaux seront leurs maisons pour l’éternité1 ». On leur construit des sépulcres, et ces sépulcres sont des maisons. Souvent tu entendras un riche te dire: J’ai un palais de marbre, que je dois laisser, et je ne pense pas à me construire une maison éternelle pour y habiter sans fin. Quand il pense à se bâtir un sépulcre enrichi de marbre et de sculpture, il semble penser à une maison éternelle; comme si telle était la demeure du riche de l’Evangile. Ah! s’il y demeurait, il ne demeurerait point dans les enfers. Ce qui doit nous préoccuper, ce n’est pas le lieu où demeurera le corps, mais bien le lieu que doit habiter l’âme du pécheur ; mais « leurs sépulcres sont leurs demeures pour l’éternité. Leurs tentes subsisteront d’âge en âge.
« Leurs tentes » sont les demeures qu’ils n’habitent que d’une manière passagère, « leurs maisons », les sépulcres qu’ils doivent habiter à jamais. Ils laissent les tentes à leurs proches, ces tentes qu’ils habitaient pendant leur vie, et ils vont dans leurs sépulcres comme dans des palais éternels. De quoi leur sert que leurs tentes passent de race en race ? Et par là nous entendons qu’elles passeront à leurs enfants, leurs petits-enfants, à leurs arrière-petits-enfants ; de quoi leur serviront leurs tentes, quel bien leur feront-elles? Oui, quel bien? Ecoutez-le. « Ils invoqueront leurs noms dans leurs terres». Qu’est-ce à dire? Ils porteront du pain et du vin à leurs tombeaux, et là ils invoqueront le nom des morts. Combien pensez-vous que l’on ait invoqué le nom de ce riche, quand on s’enivrait à son tombeau, et qu’une goutte d’eau ne tombait point sur sa langue brûlante2 ? Les hommes alors satisfont leur intempérance, mais ne soulagent point les âmes de leurs proches. Ces âmes n’ont de richesse que les bonnes oeuvres de leur vie; si pendant la vie elles n’ont point travaillé pour elles-mêmes, elles ne trouvent rien à la mort. Mais que leur feront les hommes ? « Ils invoqueront seulement leurs noms dans leurs terres ».