4.
Un tel exemple nous dit aussi que nul ne doit s’élever dans la prospérité. Il en est beaucoup en effet qui craignent l’adversité et non la prospérité de cette vie. Or, la prospérité est plus dangereuse pour l’âme que le malheur ne l’est pour le corps. L’une commence à corrompre l’esprit, afin que l’autre le puisse abattre. Il nous faut donc, mes frères, redoubler de précautions contre la félicité. Aussi voyez comment la parole de Dieu cherche à nous prémunir contre toute sécurité, quand la félicité nous sourit. « Servez le Seigneur»,1 nous est-il dit, « avec crainte et tremblement, et servez-le avec allégresse ». Avec allégresse, pour le remercier; avec crainte, pour éviter la chute. David ne pécha point quand il était en butte aux persécutions de Saül. Quand ce saint prophète avait pour ennemi Saül qui le fatiguait de ses poursuites, quand il fuyait çà et là pour ne pas tomber entre ses mains2, il ne convoita point la femme d’un autre, il ne fit point mourir l’époux après avoir débauché l’épouse. Dans cette instabilité du malheur, son âme était d’autant plus fixée en Dieu, qu’il paraissait plus malheureux. Le malheur a donc son utilité, et le fer du. médecin est plus utile que les amorces du démon. La disparition de ses ennemis lui donna la tranquillité; délivré de toute poursuite, son coeur s’enfla. Cet exemple doit donc nous faire craindre la félicité. « J’ai rencontré », dit-il, «la tribulation et la douleur, et j’ai invoqué le nom de mon Dieu3».