10.
« J’ai péché contre vous seul, j’ai fait le mal en votre présence, en sorte que vous serez justifié dans vos paroles, et triompherez quand vous serez mis en jugement. Voilà en effet que j’ai été conçu dans l’iniquité1 ». Comme si l’on disait: Ceux-là sont vaincus qui ont agi comme vous, ô David; car ce n’est pas un crime léger, une peccadille, qu’un adultère et un homicide: en est-il de même de ceux qui n’ont commis aucune faute depuis qu’ils sont sortis des entrailles de leur mère ? Imputeriez-vous à ceux-là quelques péchés, en sorte qu’il n’y ait pour triompher au jugement que celui dont vous venez de parler? David parle ici au nom du genre humain, il a vu les chaînes de tous, il a considéré en nous la mort qui se propage il a vu l’iniquité à notre origine, et il s’écrie: « Voilà que je suis conçu dans l’iniquité ». David était-il donc né de l’adultère, lui fils de Jessé, homme juste, et de son épouse2? Pourquoi dit-il qu’il est conçu dans l’iniquité, sinon parce que l’iniquité nous vient d’Adam? Et l’assujettissement à la mort s’est formé de l’iniquité même. Nul ne vient au monde qu’il n’entraîne avec lui sa peine, et le mérite de sa peine. Le Prophète a dit ailleurs: « Nul n’est pur en votre présence, pas même l’enfant qui est sur la terre depuis un jour3 ».
Car nous savons que le baptême du Christ a la force d’effacer les péchés, et qu’il est institué pour la rémission des fautes. Si les enfants naissent avec une parfaite innocence, pourquoi les mères, les voyant malades, viennent-elles en hâte les apporter à l’Eglise? Qu’efface donc ce baptême, cette rémission? Je vois cet innocent qui pleure au lieu de s’irriter. Qu’efface en lui le baptême? Que délie la grâce? Elle le délivre du péché transmis. Si cet enfant pouvait parler, il dirait; et s’il avait l’intelligence comme David, il répondrait: Pourquoi ne voir en moi que l’enfant? Tu ne vois pas mes fautes à la vérité; « mais je suis conçu dans l’iniquité, et dans ses entrailles ma mère m’a nourri du péché ». Car ce lien de la concupiscence ne se trouvait pas dans le Christ né de la Vierge, qui l’avait conçu de l’Esprit-Saint. On ne peut dire de celui-là qu’il est conçu dans l’iniquité, il ne peut répéter: « Dans ses entrailles, elle m’a nourri du péché, cette mère », à qui l’ange avait dit: « L’Esprit-Saint viendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre4 ». Si donc les hommes sont conçus dans l’iniquité, s’ils sont nourris du péché dans les entrailles maternelles, ce n’est point que l’union des époux soit un péché; mais parce qu’alors, ce qui a lieu, vient d’une chair condamnée, et la condamnation de la chair c’est la mort, et toute chair a son principe mortel. Aussi l’Apôtre ne dit-il point que notre corps doit mourir, mais qu’il est mort: « A la vérité le corps est mort à cause du péché, mais l’esprit vit à cause de la justice5 ». Comment pourrait naître sans les liens du péché ce qui est conçu, ce qui germe dans un corps que le péché a frappé de mort? Cette action, dès qu’elle, est chaste, n’est point criminelle; mais l’origine du péché entraîne le châtiment qui lui est dû. Un époux, pour être époux, n’en est pas moins mortel, et il n’est mortel qu’à cause du péché. Le Seigneur aussi était assujéti à la mort, mais non cause du péché; il a pris sur lui notre peine, et a dès lors expié notre faute. Il est donc juste que tous meurent en Adam, et que tous vivent en Jésus-Christ6. « Le péché », dit saint Paul, « est entré dans ce monde, et par le péché la mort ; ainsi la mort a passé en tous les hommes par celui-là seul en qui tous ont péché7 ». C’est un arrêt, dit l’Apôtre : tous ont péché en Adam. Un seul enfant a pu naître dans l’innocence, parce qu’il n’était point l’oeuvre d’Adam.