4.
Les hommes qui se sont éloignés des saints les font souffrir. Que ceux-ci lisent donc attentivement ce psaume; qu’ils s’y reconnaissent; et, puisqu’ils sont sujets aux tribulations dont il parle, qu’ils répètent la prière du Prophète, Il n’est pas nécessaire que celui qui n’endure rien redise les paroles du Psalmiste; je n’y astreins nullement les chrétiens placés en dehors des tourments de la vie; mais qu’ils prennent garde de s’éloigner des saints en voulant s’écarter de la souffrance. Chacun de nous doit penser à son ennemi; et, s’il est chrétien, son ennemi c’est le monde. Toutefois, en entendant l’explication de ce psaume, ne reportons point nos pensées sur nos inimitiés particulières, car nous devons le savoir, nous n’avons pas à combattre contre la chair et le sang, mais contre les princes, les puissances et les esprits de malice, ou, en d’autres termes, contre le démon et ses anges1. La raison eu est facile à saisir: quand des hommes nous tourmentent, c’est le démon qui leur en suggère la pensée, qui anime leur volonté et les tourne à sa guise comme des vases qui lui appartiennent. Ne l’oublions donc pas, nous avons deux ennemis; l’un visible et l’autre invisible; l’homme que nous voyons et le démon que nous-ne voyons pas. Aimons l’homme, mettons-nous en garde contre le démon; prions pour l’homme, prions contre le démon, et disons à Dieu : « Seigneur, prenez pitié de moi, parce que l’homme m’a foulé aux pieds ». Si un homme te foule aux pieds et t’écrase, ne crains rien, pourvu que tu produises du vin, car tu n’es devenu raisin que pour être ainsi écrasé. « Ayez pitié de moi, Seigneur, parce que l’homme m’a foulé aux pieds. L’homme», qui s’est éloigné des saints, « m’a fait la guerre et m’a tourmenté pendant tout le jour ». Mais pourquoi ne pas entendre du démon ces dernières paroles? Serait-ce parce qu’on ne l’a jamais désigné sous le nom d’homme? L’Evangile ferait-il erreur quand il dit : « L’homme ennemi a fait cela2? » Quoiqu’il ne soit pas homme, il peut donc, en une certaine manière, s’appeler de ce nom. Ainsi parlait le Psalmiste, et il avait en vue, soit le démon, soit le peuple qui s’était éloigné des saints, soit chacun de ceux qui l’avaient suivi, c’est-à-dire les hommes dont le démon se sert pour tourmenter le peuple de Dieu, ce peuple inviolablement attaché aux justes, au Saint des saints, au Roi dont la dign,ité suprême, consacrée par l’inscription de la croix, a suffi à remplir d’indignation ses ennemis, à les repousser et à les séparer de lui; mais quelles que soient les personnes entrevues par le Prophète, il doit dire: « Prenez pitié de moi, Seigneur, car l’homme m’a foulé aux pieds». Ce mauvais traitement ne doit en rien diminuer son énergie; toujours il doit garder le souvenir de celui qu’il invoque et dont l’exemple soutient son courage. La première grappe de raisin serrée dans le pressoir fut le Christ; et quand les tortures de la passion eurent écrasé cette grappe, il en sortit ce qui rend « si précieuse et si belle cette coupe qui enivre3 ». En considérant son chef, le corps donc doit dire : « Prenez pitié de moi, Seigneur, parce que l’homme m’a foulé aux pieds; il m’a fait la guerre et m’a affligé pendant tout le jour ». « Pendant tout le jour » , toujours. Que personne ne se dise : Au temps de nos ancêtres on souffrait beaucoup; ce temps est passé, on ne souffre plus aujourd’hui. Si tu penses que, de nos jours, il n’y ait rien à endurer, tu n’as pas encore commencé à vivre en chrétien; car où serait la vérité de ces paroles de l’Apôtre : « Tous ceux qui veulent vivre avec piété dans le Christ souffriront persécution4 ». Si donc tu ne souffres aucun mauvais traitement à cause du Christ, n’est-il pas à craindre que tu n’aies pas encore commencé à vivre pieusement en lui? Lorsque tu auras embrassé une vie pieuse et chrétienne, alors tu seras entré dans le pressoir; prépare-toi à être écrasé. Puisses-tu alors ne pas être un raisin desséché ! Puisses-tu, sous la presse, donner abondance de vin!
