12.
N’est-ce pas plutôt ce peuple qui, par ses cris furieux, a extorqué d’un juge pusillanime une condamnation à mort? Appelons-en au témoignage du Sauveur lui-même; qu’il nous fasse connaître les vrais auteurs de sa mort. Prononcera-t-il le nom de Pilate? Mais il a condamné malgré lui le Christ. Sans doute, il l’a fait frapper de verges et revêtir d’une tunique méprisable; et, après cela, il l’a fait exposer à leurs regards ; mais dans quel but? C’était afin que leur rage, assouvie par le spectacle de ses blessures sanglantes, n’exigeât pas de sa faiblesse une suprême condamnation. Voilà pourquoi, en les voyant persister à réclamer la mort de leur victime, il lava ses mains, comme nous le voyons dans l’Evangile, et s’écria : « Je suis innocent du sang de ce juste1 ». A ton avis, Pilate, qui a cédé aux cris de la multitude, est-il innocent?. Non : mais incontestablement ceux-là sont encore plus coupables, qui ont obtenu par leurs cris son sanglant supplice. Interrogeons le Sauveur, écoutons-le : il nous dira à qui il attribue sa mort, car il a dit: « J’ai dormi dans le trouble ». Interrogeons-le, et disons-lui : Puisque vous avez dormi dans le trouble, apprenez-nous quels sont ceux qui vous ont persécuté et fait mourir. Est-ce bien Pilate qui vous a livré aux soldats pour vous faire attacher à la croix et transpercer de clous? Ecoute, il va te le dire. Ce sont « les enfants des hommes ». Il désigne évidemment par là ceux qui l’ont fait souffrir. Mais comment ont-ils pu le faire mourir, puisque leur main n’était point armée? lls n’ont pas tiré l’épée contre lui; ils ne se sont point précipités sur sa personne; et, pourtant, ils l’ont fait mourir : voici comment. « Leurs dents sont des armes et des traits perçants; leur langue est une épée tranchante » . Remarquez-le bien : si leurs mains sont dépourvues d’armes, leur bouche est armée. C’est de là qu’est sorti le glaive qui a tué le Christ, comme, de la bouche du Christ, est sortie l’épée qui a donné la mort au peuple juif. Car le Sauveur est armé d’une épée à deux tranchants : par sa résurrection il en a frappé ses ennemis, et il a tiré du milieu d’eux ceux qu’il prédestinait à la foi2. L’épée des Juifs était malfaisante, celle du Christ était salutaire ; les flèches des uns donnaient la mort, les flèches de l’autre communiquaient la vie:
car il tient en ses mains des traits bienfaisants : ce sont ses paroles saintes, avec lesquelles il blesse les coeurs, afin de s’en faire aimer. Bien différentes sont les flèches de ses ennemis : bien autre est leur glaive. « Les dents des enfants des hommes sont des armes et des traits perçants : leur langue est une épée tranchante » . La langue des enfants des hommes est une épée tranchante: leurs dents sont des armes et des traits perçants. A quel moment les ont-ils mis en oeuvre, sinon quand ils ont crié: Crucifiez-le! Crucifiez-le3 !