16.
« Et tout homme fut saisi de crainte1». Ceux qui n’éprouvèrent pas ce sentiment de crainte ne méritaient pas même le nom d’hommes. « Tout homme fut saisi de crainte » : c’est-à-dire, toute personne raisonnable et capable d’apprécier les événements: aussi, devrait-on donner le nom de bêtes, et même de bêtes brutes et sauvages, aux hommes qui demeurèrent alors insensibles à la crainte; et le peuple juif est encore aujourd’hui un lion qui rugit et fait des victimes. Mais la crainte s’empara de tout homme, c’est-à-dire, de quiconque voulut se soumettre au joug de la foi, et conçut une sainte frayeur à la pensée du jugement à venir. « Et tout homme fut saisi de crainte, et ils publièrent hautement les oeuvres de Dieu ». A celui qui disait : « Seigneur, délivrez-moi de la crainte de mes ennemis », s’appliquent donc ces paroles : « Tout homme a été saisi de crainte ». Il était délivré de la crainte de ses ennemis, mais il était sous l’impression de la crainte de Dieu. S’il redoutait quelqu’un, c’était, non pas celui qui peut tuer le corps, mais celui qui peut précipiter tout à la fois le corps et l’âme dans la géhenne du feu2. Les Apôtres ont prêché l’Evangile. D’abord, Pierre fut saisi de crainte, il avait peur de l’ennemi : son âme n’était pas encore à l’abri de toute appréhension à l’égard de ses adversaires. Questionné par une servante sur sa présence au milieu des disciples. du Sauveur, il renia trois fois son divin Maître3. Après sa résurrection, Jésus affermit cette colonne de l’Eglise. Pierre annonce alors la bonne nouvelle sans trembler, et, néanmoins, sous l’influence de la crainte; sans trembler en face de ceux qui peuvent tuer le corps; sous l’influence de la crainte à l’égard de celui qui peut précipiter tout àla fois le corps et l’âme dans la géhenne du feu. « Tout homme a été saisi de crainte, et ils ont hautement publié les oeuvres de Dieu ». Dès que les Apôtres eurent commencé à publier les oeuvres du Très-Haut, les princes des prêtres les firent comparaître devant eux, et leur firent des menaces en leur intimant « la défense de prêcher au nom de Jésus-Christ. Mais ceux-ci leur répondirent: Dites-nous à qui, de Dieu ou des hommes, il vaut mieux obéir4? » Que pouvaient-ils répondre à une pareille question? Auraient-ils osé dire qu’il vaut mieux obéir aux hommes qu’à Dieu? Non, et leur réponse n’était pas douteuse, et ils devaient déclarer que la soumission envers Dieu doit avoir le pas sur la soumission à l’égard des hommes; aussi, parce qu’ils connaissaient la volonté du Tout-Puissant, les Apôtres dédaignèrent-ils les menaces des prêtres. « La crainte, dont l’homme fut saisi », devint donc la source de sa fermeté et de son courage, et « ils publièrent hautement les oeuvres de Dieu ». Si l’homme éprouve des sentiments de crainte, ce n’est point son semblable, mais son créateur qui doit les lui inspirer. Redoute ce qui est supérieur à l’homme, et jamais l’homme ne te fera trembler. Appréhende la mort éternelle, et tu ne t’inquiéteras nullement de la vie présente. Soupire après les immortelles voluptés du paradis; que l’immuable tranquillité du ciel soit l’objet de tes désirs, et tu te riras du monde entier et de tous ses faux biens. Aime et crains en même temps; aime ce que Dieu te promet, crains l’effet de ses menaces, et les promesses de l’homme ne corrompront point ton coeur, et ses menaces ne t’ébranleront pas. « Tout homme a été saisi de crainte, et ils ont publié hautement les oeuvres de Dieu, et ils les ont comprises ». Qu’est-ce à dire: « Ils ont compris ses prodiges? » Etait-ce là, ô Seigneur Jésus, ce que vous taisiez lorsque, pareil à une innocente brebis, vous alliez à la mort, sans ouvrir la bouche pour vous plaindre de vos bourreaux, lorsque nous vous considérions plongé dans les souffrances et la douleur, et ressentant toute notre faiblesse? Etait-ce pour cela, ô le plus beau des enfants des hommes, que vous nous dérobiez la vue de vos charmes infinis5, et que vous sembliez n’avoir ni grâce ni beauté6? Attaché à la croix, vous supportiez les insultes et les ricanements de vos ennemis : « S’il est le Fils de Dieu », disaient-ils, « qu’il descende donc de sa croix7 ! »De tous vos serviteurs, de tous ceux qui connaissent votre suprême puissance, en est-il un seul qui ne se soit entièrement décrié : Oh ! si seulement il descendait du haut de sa croix pour la confusion de ceux qui le blasphèment de la sorte ! Mais il ne devait pas en être ainsi : il fallait que le Sauveur mourût pour le salut de ceux qui étaient condamnés à mourir, comme il devait ressusciter pour nous communiquer la vie éternelle. Voilà ce que ne comprenaient pas ceux qui le défiaient de descendre de sa croix; mais quand, après sa résurrection, il monta glorieusement au ciel, ils comprirent les oeuvres de Dieu : « Ils ont publié les oeuvres de Dieu, et ils les ont comprises ».