21.
« Venez, écoutez, vous tous qui craignez le Seigneur, et je vous raconterai1 ». Allons, écoutons ce qu’il doit nous raconter, « Venez, écoutez, et je vous racontera ». Mais à qui dit-il : « Venez et écoutez? A vous tous qui craignez Dieu » . Si vous ne craignez point Dieu, je ne raconte point. Il n’y a rien à raconter où n’est pas la crainte de Dieu. Que la crainte de Dieu ouvre les oreilles, afin que ma narration trouve où entrer et par où entrer. Mais que raconterai-je? « Ces grands biens que Dieu a faits à mon âme». Le voilà qui veut raconter, mais que va-t-il raconter? Les espaces de la terre, sa distance des cieux, le nombre des astres, et les phases du soleil et de la lune? Ces créatures marchent dans l’ordre tracé; et ceux qui les ont étudiées avec trop de curiosité n’en ont point connu le Créateur2. Voici donc ce qu’il faut écouter et retenir: « O vous qui craignez Dieu: le grand bien qu’il a fait à mon âme », et si vous le voulez, à la vôtre. « Le bien qu’il a fait à mon âme, ma bouche le crie vers lui3 ». Et ce bien fait à son âme, c’est de pouvoir crier vers Dieu; voilà ce bien qu’il préconise, comme fait à son âme. Voilà, mes frères, que nous étions païens, sinon en nous-mêmes, du moins en nos pères. Or, que dit l’Apôtre? « Vous le savez, quand vous étiez païens, vous vous laissiez conduire à des idoles muettes4 ». Que telle soit maintenant l’hymne de l’Eglise: « Quel grand bien il a fait à mon âme, ma bouche le crie vers lui ». Homme, je m’adressais à la pierre, je m’adressais à un bois sourd, je parlais à des simulacres sourds et muets; mais l’image de Dieu s’est retournée vers son Créateur. « Moi qui disais au bois: « Tu es mon Père; et à la pierre: Tu m’as engendré5»; je dis maintenant: «Notre Père, qui êtes aux cieux6 ». Ma bouche a crié vers lui : « Ma bouche »,et non une bouche étrangère. Quand je criais vers la pierre, dans une vie pleine de vanité, à l’exemple de mes pères7, je criais par une bouche étrangère quand j’ai crié vers le Seigneur, selon le don qu’il m’en a fait, l’inspiration qu’il m’a envoyée, « c’est par ma bouche que j’ai crié vers lui; et sous ma langue je l’ai glorifié». Qu’est-ce à dire: « J’ai crié vers lui, je l’ai glorifié sous ma langue? » Je l’ai prêché en public, je l’ai confessé en secret. C’est que ma langue glorifie le Seigneur; tu dois le glorifier sous ta langue, c’est-à-dire penser à l’intérieur ce que tu dis avec certitude. « Ma bouche a crié vers lui, et je l’ai glorifié sous ma langue ». Vois quelle intégrité intérieure il désire, celui qui offre des sacrifices de moelle, C’est là, mes frères, ce qu’il faut faire, ce qu’il faut imiter afin que vous puissiez dire : «Venez et voyez le grand bien qu’il a fait à mon âme ». Tout ce que raconte le Prophète est l’effet de la grâce de Dieu en notre âme. Voyez ce qu’il dit ensuite.