11.
Mais que dit ensuite le Prophète : « La montagne de Sinaï, en face du Dieu d’Israël? » Faut- il sous-entendre, s’est épanchée; afin d’appeler encore montagne de Sinaï ce qu’il vient d’appeler du nom de ciel; de même que nous avons donné aux cieux le nom de montagne? Dans ce sens nous ne devons pas nous étonner qu’il soit dit: « La montagne », et non les montagnes, comme il avait été dit: Les cieux, et non le ciel; car dans un autre psaume, après avoir dit: « Les cieux racontent la gloire de Dieu1, il répète en d’autres termes la même pensée selon la coutume des saintes Ecritures : « Et le firmament nous annonce ses oeuvres». Il a d’abord dit : « Les cieux », et non le ciel, et ensuite il dit : Le firmament, et non les firmaments. Or, « Dieu appelle ciel le firmament2», ainsi qu’il est dit dans la Genèse. Ainsi donc, les cieux et le ciel, les montagnes et la montagne ont une signification semblable et nullement différente : de même que les nombreuses Eglises, et la seule Eglise, n’ont pas un sens divers, mais un seul et même sens. Mais pourquoi « cette montagne de Sinaï, qui engendre dans la servitude3», comme l’a dit l’Apôtre? Faut-il entendre par là cette loi donnée sur le mont Sinaï, et que « les cieux auraient épanchée devant la face du Seigneur4 », afin d’ébranler la terre? Et cet ébranlement de la terre serait-il le trouble des hommes incapables d’accomplir cette loi? Mais, s’il en est ainsi, cette loi est encore cette pluie bienfaisante, dont le Prophète a dit ensuite : « Vous ménagerez, Seigneur, une pluie désirable à votre héritage »; car il n’en a pas agi de la sorte avec aucun peuple, et ne leur a pas manifesté ses jugements5. Cette pluie que Dieu a réservée à son héritage est donc la loi qu’il lui a donnée. « Elle s’est affaiblie », la loi ou la nation qui est notre héritage. On peut entendre que la loi s’est affaiblie, en ce sens qu’elle ne s’accomplissait point, non qu’en elle-même elle fût faible, mais parce qu’elle aboutissait à la faiblesse chez les hommes qu’elle menaçait sans leur donner le secours de la grâce. C’est en effet le terme dont s’est servi l’Apôtre en disant : « Ce qui était impossible à la loi, chez l’homme en qui la chair l’affaiblissait6 », voulant nous montrer que c’est dans un sens spirituel qu’elle doit s’accomplir. Il dit néanmoins qu’elle s’affaiblit, parce que les faibles ne peuvent l’accomplir. Mais l’héritage qui s’affaiblit nous désignerait sans ambiguïté le peuple après que la loi lui fut donnée. « Car la loi est venue, en sorte que le péché a abondé7». Alors le verset suivant: « Vous lui avez donné la perfection», se rapporte à la loi quia été perfectionnée, selon l’Apôtre, c’est-à-dire accomplie; c’est ce que dit le Seigneur dans l’Evangile : « Je ne suis point venu pour détruire, mais pour accomplir la loi8». De là vient que l’Apôtre, après avoir dit que la loi était affaiblie par la chair, puisque la chair ne peut accomplir ce qui ne s’accomplit que par l’esprit, c’est-à-dire par une grâce spirituelle, dit encore : « Afin que la justice de la loi soit accomplie en nous qui ne marchons pas selon la chair, mais selon l’esprit9 ». Ainsi donc : « Vous lui avez donné la perfection; parce que l’amour est la plénitude de la loi10, et que l’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs», non par nous-mêmes, mais « par l’Esprit-Saint qui nous a été donné11 »; tel serait le sens de : « Vous lui avez donné la perfection », si l’on entend que c’est la loi qui a été perfectionnée; mais, si c’est l’héritage, le sens est plus facile à saisir. Si l’on veut, en effet, que l’héritage du Seigneur, ou le peuple de Dieu ait été affaibli à cause de la loi, « parce que la loi est « entrée, de telle manière que le péché a « abondé » ; alors ces paroles : « Vous l’avez perfectionné » , s’entendraient dans le même sens que ces autres du même saint Paul : « Où le péché a abondé, la grâce a surabondé12 ». Car le péché se multipliant a multiplié aussi les infirmités, et ensuite ils ont précipité leur marche13; car ils ont gémi et ont demandé à Dieu d’accomplir avec son secours ce qu’ils ne pouvaient accomplir avec un simple précepte.