12.
Il y a dans ces paroles un autre sens, qui me paraît plus probable. Cette pluie abondante s’entend bien mieux de la grâce, qui nous est donnée sans être appelée par aucune oeuvre méritoire. « Si c’est par grâce, ce n’est point en vue des oeuvres, autrement la grâce ne serait plus grâce1. Je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre », est-il dit encore; « puisque j’ai persécuté l’Eglise de Dieu; muais c’est parla grâce de Dieu que je suis ce que je suis2». Telle serait la pluie volontaire : « Car il nous a volontairement appelé par la parole de la vérité3 ». C’est donc une pluie de son amour. De là vient qu’il est dit ailleurs : « Vous nous couvrez de votre amour, comme d’un bouclier4 ». Or, quand le Seigneur traversait le désert, c’est-à-dire quand l’Evangile était, annoncé aux nations, « les cieux distillèrent » cette pluie : non d’eux-mêmes cependant, mais « en présence du Seigneur », car eux-mêmes aussi lui doivent la grâce d’être ce qu’ils sont. Et s’il est parlé du « mont Sinaï », c’est que celui qui a travaillé plus que tous les autres, non pas lui, mais la grâce de Dieu avec lui5, afin qu’il s’épanchât plus abondamment parmi les nations , c’est-à-dire dans le désert où le Christ n’avait pas été annoncé, pour ne point bâtir sur le fondement d’un autre6; celui-là, dis-je, était Israélite, de la race d’Israël, de la tribu de Benjamin7; il avait été engendré dans la servitude, en cette Jérusalem terrestre, qui est esclave avec ses enfants; et c’est pourquoi il persécutait l’Eglise. Car, selon l’avis qu’il nous en donne : « De même que le Fils engendré selon la chair poursuivait le Fils selon l’esprit; ainsi en est-il maintenant8 ». Mais j’ai obtenu miséricorde, parce que j’ai agi dans l’ignorance , n’ayant point la foi9. Admirons donc « les cieux qui s’épanchent à la face du Seigneur », admirons plus encore cette « montagne de Sinaï », c’est-à-dire celui qui fut tout d’abord persécuteur, Hébreu fils d’Hébreux, et Pharisien en ce qui regarde la loi10. Que faut-il admirer? Qu’il n’ait point agi de lui-même, mais « devant la face du Dieu d’Israël », d’Israël dont il dit: « Et à l’Israël de Dieu11»; et dont le Seigneur a dit: « C’est là un vrai Israélite, sans déguisement12 ». Telle est la pluie de grâce que le Seigneur a ménagée à son héritage, et que ne précédaient point les mérites des bonnes oeuvres. « Cet héritage s’est affaibli ». Car l’Apôtre a reconnu qu’il n’est rien par lui-même, ni par ses propres forces, mais qu’il doit à la grâce de Dieu ce qu’il est. Il a reconnu ce qu’il a dit plus tard : « Je me glorifierai dans mes infirmités13 ». Il a reconnu la vérité de cette parole : « Ne t’élève point dans ta sagesse, mais crains14». Il a compris, que « Dieu donne la grâce aux humbles15. Il s’est affaibli, mais vous, ô Dieu, l’avez conduit à la perfection; parce que la vertu se perfectionne dans la faiblesse16 ». Dans quelques exemplaires et latins et grecs, on ne trouve pas : « La montagne de Sinaï », mais simplement: « En face du Dieu de Sinaï, en face du Dieu d’Israël ». C’est-à-dire :
« Les cieux se sont épanchés en face du Dieu d’Israël » ; et comme si l’on demandait de quel Dieu : «En face du Dieu de Sinaï»,dirait le Prophète, « du Dieu d’Israël », c’est-à-dire en face du Dieu qui a donné sa loi au peuple d’Israël. Pourquoi donc «les cieux s’épanchent-ils en face de Dieu »; en face de ce Dieu, sinon pour accomplir ainsi la prophétie: « Celui qui a donné la loi, donnera aussi la bénédiction17 ? » « La loi », pour effrayer celui qui présume des forces de l’homme; « la bénédiction »,qui délivre celui qui espère en Dieu. Vous donc, ô mon Dieu, avez donné la perfection à votre héritage : parce qu’en lui-même il s’est affaibli, afin de recevoir de vous le perfectionnement.