6.
« Ils m’ont donné du fiel pour nourriture, et dans ma soif m’ont abreuvé de vinaigre1 ». Ceci s’est accompli à la lettre, ainsi que nous le voyons dans l’Evangile. Mais, remarquons-le bien, mes frères, ne pas trouver de consolateurs, ne trouver personne qui s’affligeât avec moi, voilà ce qui était pour moi du fiel, voilà pour moi l’amertume, voilà le vinaigre; il m’élait amer à cause de ma douleur, c’était le vinaigre, parce qu’il avait vieilli. Nous lisons à la vérité, comme le raconte l’Evangile2, qu’on lui offrit du fiel; mais pour breuvage, et non pour nourriture. Toutefois ce qui était prédit ici s’est accompli à la lettre, et c’est dans ce sens qu’il faut entendre : « Ils m’ont donné du fiel pour nourriture » ; et non-seulement dans cette parole, mais dans ce fait même nous devons rechercher un mystère, percer l’obscurité, entrer dans le temple par la déchirure du voile, et voir une figure ou dans la manière de prédire, ou dans la manière dont le fait s’est accompli. « Il m’ont donné du fiel pour nourriture», dit le Prophète. Ce qu’ils m’ont présenté n’était point une nourriture, c’était plutôt un breuvage; mais, ils l’ont donné pour nourriture » : le Seigneur en effet avait déjà pris une nourriture, et elle fut arrosée de fiel. Il avait pris une nourriture agréable, en mangeant la Pâque avec ses disciples : ce fut là qu’il établit le sacrement de son corps3. Or, sur cette nourriture si agréable, si douce, de l’unité du Christ que l’Apôtre nous signale dans ces paroles
« Nous sommes tous un seul pain, un seul corps4» ; sur cette nourriture, qui vient jeter le fiel, sinon les contradicteurs de l’Evangile, semblables aux persécuteurs du Christ? Car iI y eut moins de crime pour les Juifs de le crucifier quand il était sur la terre, qu’il n’y en a pour ceux qui le méprisent dans le ciel. Ce que firent donc les Juifs en lui jetant un breuvage amer sur la nourriture qu’il avait prise, ceux-là le renouvellent qui, par une vie criminelle, apportent le scandale dans l’Eglise : voilà ce que font les hérétiques en corrompant la doctrine. Or, qu’ils ne s’élèvent point en eux-mêmes5; eux qui apportent le fiel sur des mets si délicats. Mais que fait le Seigneur? Il ne les admet point parmi ses membres. Voilà ce que figurait le Seigneur quand il goûta le fiel qu’on lui présentait, et qu’il n’en voulut point boire6. Ne rien endurer de leur part, ce serait ne rien goûter ; mais comme il faut les endurer, il faut aussi goûter du fiel. Et comme ces gens ne peuvent compter parmi les membres du Christ, lui les goûte seulement, mais eux n’entrent point dans son corps. « Voilà qu’ils m’ont donné du fiel pour nourriture, et dans ma soif ils m’ont abreuvé de vinaigre ». J’avais soif, et l’on m’a donné du vinaigre : c’est-à-dire, je désirais d’eux la foi, et je n’ai trouvé que le vieil homme.