9.
« Beaucoup me regardent comme un prodige1». Ici-bas, dans cette vie de l’espérance, vie de sanglots, vie d’humilité, vie de douleur, vie d’infirmité, vie de gémissements dans nos chaînes; quoi donc en cette vie? « Beaucoup me regardent comme un prodige2». Pourquoi « comme un prodige? » Pourquoi m’insulter quand ils voient un prodige en moi? Parce que je crois ce que je ne vois pas encore. Eux qui n’ont de bonheur que dans ce qu’ils voient, mettent leurs délices dans l’ivresse, dans la luxure, dans l’adultère, dans l’avarice, dans les richesses, dans la rapine, dans les dignités du siècle, dans l’éclat d’une muraille de boue; voilà leurs délices; mais moi je suis une voie bien différente; je méprise les biens présents, je redoute jusqu’au bonheur de ce monde, et n’ai de sécurité quo dans les promesses de Dieu. Pour eux: « Mangeons et buvons, et nous mourrons demain ». Que dis-tu ? Répète encore. « Mangeons », dit-il, « et buvons ». Continue; qu’as-tu dit ensuite? « Car demain nous mourrons ». Tu m’effrayes sans me séduire. La raison que tu me donnes me glace d’effroi, et m’empêche de t’écouter. « Nous mourrons demain », dis-tu, et tout à l’heure : « Mangeons et buvons ». Car, après avoir dit:
« Mangeons et buvons», tu as ajouté : « Parce que nous mourrons demain ». Ecoute-moi, au contraire : jeûnons et prions, car nous mourrons demain, C’est en marchant dans cette voie étroite et rude, que « je parais à plusieurs une monstruosité; mais vous êtes, ô Dieu, mon puissant appui ». Venez, Seigneur Jésus, venez me dire : Ne te décourage point dans cette voie, j’y ai marché le premier, moi-même je suis la voie3, c’est moi qui conduis, je conduis en moi et jusqu’à moi. Que je sois donc « un prodige pour beaucoup»: je n’ai rien à redouter, parce que « vous êtes, Seigneur, mon puissant protecteur ».