10.
Qu’est-ce que le Christ? « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était Dieu, et le Verbe était en Dieu. Il était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par lui, et rien n’a été fait sans lui ». Prodigieuse élévation! Incommensurable élévation! Et toi captif, où es-tu? Dans la chair, dans la mort. Qui est donc ce Verbe? Et toi qui es-tu? Qu’a fait ensuite ce Verbe? Et pour qui? Qui est-il, sinon le Verbe, comme on l’appelle? Quel Verbe? Est-ce une parole qui résonne et qui passe? C’est le Verbe qui est Dieu et en Dieu, le Verbe par qui tout a été fait. Qu’est-il pour toi? « Le Verbe qui s’est fait chair, pour habiter parmi nous1. Celui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous, que ne nous donnera-t-il pas avec lui2? » Voilà ce qu’il est, ce qu’il devient, et pour qui. Le Fils de Dieu prend une chair à cause du pécheur, de l’homme inique, du déserteur, de l’orgueilleux, de ce misérable qui voulait être semblable à son Dieu. Il est devenu ce que tu es, ô fils de l’homme, afin que nous devinssions fils de Dieu. Il s’est fait chair; d’où est venue cette chair? De la vierge Marie3. D’où venait la vierge Marie? D’Adam. C’était donc de ce premier captif, et la chair du Christ venait de cette niasse de servitude. A quoi bon? Pour te servir de modèle. Il à pris en toi le moyen de mourir pour toi; il a pris en toi de quoi offrir pour toi, afin de t’instruire par son exemple. Que devait-il t’apprendre? Que tu dois ressusciter. Comment pourrais tu le croire, si tu ne voyais la résurrection dans une chair tirée de la masse de ta mortalité? C’est donc en lui que nous sommes ressuscités tout d’abord , et nous sommes ressuscités, parce que le Christ est ressuscité; car ce n’est point le Verbe qui est mort, puis ressuscité: mais c’est la chair qui, dans le Verbe, est morte, puis ressuscitée. Le Christ est mort dans cette chair qui doit mourir en toi, et ressuscité dans cette même chair comme tu dois ressusciter. Son exemple t’apprend à ne rien craindre, mais à espérer. Tu redoutais la mort, et le voilà qui meurt; tu désespérais de ressusciter, le voilà qui ressuscite. Mais, diras-tu, le Christ est ressuscité; et moi, ressusciterai-je? Il est ressuscité dans cette chair qu’il a prise de toi et pour toi. C’est donc ta nature qui t’a précédé en lui : c’est ce qu’il tenait de toi qui est monté au ciel avant toi; tu y es donc monté aussi toi-même. Le Christ y est monté le premier, et nous en lui : parce que sa chair était de nature humaine. Donc, à sa résurrection nous avons été retirés des entrailles de la terre. Alors cette parole: « Vous m’avez retiré des entrailles de la terre », se justifie à la résurrection de Jésus-Christ. Et quand nous avons cru en lui, « il nous a tirés de nouveau des entrailles de la terre ». Voilà encore « de nouveau ». Ecoute l’Apôtre qui nous en prêche l’accomplissement: « Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, cherchez ce qui est d’en haut, goûtez ce qui est d’en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu; goûtez ce qui est du ciel, non ce qui est sur la terre4 ». Le Christ est donc ressuscité le premier; nous aussi nous sommes ressuscités, mais seulement par l’espérance. Ecoute le même apôtre saint Paul qui nous dit : « Nous gémissons intérieurement dans l’attente de l’adoption, qui sera la délivrance de notre corps ». Tu es encore dans les gémissements, encore dans l’attente. Qu’as-tu donc reçu du Christ ? Ecoute ce qui suit: « Nous sommes sauvés par l’espérance; or, l’espérance qui verrait, ne serait plus une espérance. Car, comment espérer ce que l’on voit déjà? Si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons par la patience5 ». Ainsi donc, c’est par l’espérance que nous sommes tirés de l’abîme une seconde fois. Pourquoi une « seconde fois? » Parce que le Christ nous avait déjà précédés; et comme nous ressusciterons en réalité ; puisque nous vivons dans l’espérance, et que maintenant nous marchons dans la foi; nous avons été retirés des entrailles de la terre, par la foi en celui qui est ressuscité avant nous des entrailles de la terre; notre âme est sortie de l’infidélité, de l’incrédulité, Ainsi s’est accomplie en nous une première résurrection par la foi. Mais si elle doit être la seule, que devient cette parole de saint Paul : « Nous attendons l’adoption qui délivrera notre corps?» et cette autre du même endroit : « Le corps est mort à cause du péché, mais l’esprit vit à cause de la justice? Or, si l’esprit qui a ressuscité le Christ d’entre les morts, vit en nous, celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts, vivifiera aussi vos corps mortels à cause de son esprit qui habite en vous6 ». Donc, nous sommes déjà ressuscités en esprit par la foi, l’espérance et la charité. Mais il nous reste à ressusciter dans notre corps. Te voilà donc une première fois et une seconde fois tiré des entrailles de la terre. Une première fois, dans le Christ qui nous à précédés; une seconde fois, en espérance, et cette espérance deviendra une réalité. « Vous avez multiplié votre justice », dans ceux qui ont embrassé la foi, et qui sont ressuscités d’abord en espérance : « Vous avez multiplié votre justice ». Car le châtiment vient de cette justice: « Et le temps est venu», dit saint Pierre, « de commencer le jugement par la maison de Dieu7 », ou par les saints. « Or, Dieu châtie tout homme qu’il adopte pour fils8». Vous avez multiplié votre justice » : puisque vous n’avez pas épargné vos fils eux-mêmes, et que vous ne préservez pas du châtiment ceux à qui vous réservez l’héritage éternel. « Vous avez multiplié votre justice et vous vous êtes retourné pour me consoler » : et comme vous ressusciterez mon corps à la fin des temps, « vous m’avez tiré de la terre encore une fois ».