1.
Ce psaume a pour titre : « Intelligence «d’Asaph1». Or, Asaph signifie, en latin, Assemblée, en grec, Synagogue. Voyons ce qui a été compris par cette synagogue, ou plutôt comprenons d’abord ce qu’était la synagogue, afin de comprendre ensuite ce qu’elle a compris. Toute réunion, en général, s’appelle synagogue; or, on peut appliquer ce mot de réunion aux animaux comme aux hommes; seulement ici, il n’est pas question d’animaux, puisqu’il est parlé d’intelligence. Ecoute en effet ce qu’il est dit de l’homme qui étaie en honneur, et qui a négligé de le comprendre : « L’homme était en donneur, il ne l’a point compris, il s’est comparé aux anis maux sans raison, et leur est devenu semblable2». Inutile dès lors de nous arrêter ici plus longtemps, et de démontrer avec plus de soin qu’il ne s’agit point d’une assemblée d’animaux, mais bien d’une réunion d’hommes; alors cherchons de quels hommes il est question. Assurément, il ne s’agit point de ces hommes qui, ne comprenant point l’honneur de leur condition, se sont comparés aux stupides animaux et leur sont devenus semblables, mais bien de ceux qui l’ont compris. C’est ce que marque le titre qui dit: « Intelligence d’Asaph ». Nous allons donc entendre la voix d’une assemblée intelligente. Mais comme le nom de synagogue est tellement particulier à la réunion du peuple d’Israël, que toujours, en entendant synagogue, nous entendons le peuple juif, voyons si ce n’est point lui qui parle dans notre psaume. Mais alors quels juifs, et quel peuple d’Israël? Ce n’est point la paille, mais le froment3, non point les rameaux brisés, mais les rameaux affermis4. « Tous ceux qui sont nés d’Israël, ne sont point tous israélites, mais c’est Isaac qui sera appelé votre fils, c’est-à-dire, ce ne sont point les enfants selon la chair, qui sont enfants de Dieu, mais bien les fils de la promesse, qui sont réputés de la race d’Abraham5 ». Il y a donc de vrais enfants d’Israël, au nombre desquels se trouvait celui dont le Sauveur a dit: « Voilà un vrai israélite, sans déguisement6 ». Toutefois ils ne sont pas israélites dans le même sens que nous, car nous sommes aussi de la race d’Abraham. Et l’Apôtre s’adressait à des Gentils quand il disait: « Vous êtes de la race d’Abraham , et les héritiers de la promesse7 ». Nous sommes donc enfant d’Israël, quand nous suivons les traces d’Abraham notre père. Mais nous entendons ici ces Israélites , à la manière de l’Apôtre : « Pour moi ». dit-il, « je suis enfant d’Israël, de la race d’Abraham, de la tribu de Benjamin8 ». Comprenons alors ceux dont les Prophètes ont dit : « Les restes d’Israël seront sauvés9 ». Ecoutons donc la voix de ces restes d’Israël échappés au naufrage; cette voix de la Synagogue qui avait reçu l’Ancien Testament, et qui n’attendait que des récompenses temporelles , d’où lui venaient ses allures chancelantes. Que lisons-nous en effet dans un autre psaume, que le titre assigne à Asaph? « Combien est bon le Dieu d’Israël pour ceux qui ont le coeur droit! Quant à mes pieds, ils ont failli trébucher ». Et comme si nous lui demandions: Pourquoi vos pieds ont-ils failli trébucher? « Mes pas se sont presque égarés», nous dit-il, « parce que j’ai porté envie aux pécheurs, en voyant la paix dont ils jouissent». Il n’attendait du Seigneur qu’un bonheur temporel, selon les promesses de l’Ancien Testament, et il voit que les impies jouissent de ce bonheur, qu’ils ont, sans adorer Dieu, ce qu’il attend pour prix de ses services; alors ses pieds chancellent comme s’il servait Dieu en vain. « Voilà», dit-il en effet, « que les pécheurs et ceux qui sont ici-bas dans l’abondance ont obtenu les richesses. Est-ce donc en vain que j’ai justifié mon coeur10 ? » Voyez combien ses pieds sont ébranlés, pour que son âme en vienne jusqu’à dire Que me revient-il de servir le Seigneur? Tel qui ne le sert point est heureux; et moi qui le sers, je suis dans l’angoisse. Enfin, quand même je serais heureux, dès lors que celui qui ne sert point Dieu l’est aussi, comment ce, bonheur viendrait-il du culte que je rends à Dieu? Or, le psaume que je viens de citer, précède immédiatement celui que nous expliquons.