3.
Ce n’est pas inutilement néanmoins, alors comme aujourd’hui, que cette voix se fait entendre : « Ecoutez ma loi, ô mon peuple ». On voit dans tous les exemplaires que le Prophète ne dit pas: Ecoute; mais bien: « Ecoutez ». Car le peuple se compose de nombreux individus, et c’est à tous que s’adresse au pluriel cette parole qui suit : « Inclinez l’oreille aux paroles de ma bouche ». « Ecoutez » a le même sens que « prêtez l’oreille », et « ma loi » est répétée dans ces expressions, « les paroles de ma bouche ». Il écoute en effet pieusement la loi de Dieu et les paroles de sa bouche, celui dont l’oreille s’incline avec humilité, non pas celui qui élève la tête avec arrogance. Une eau que l’on verse est recueillie dans les bas. fonds de l’humilité, et ne tient point sur le cône de l’orgueil. Aussi est-il dit ailleurs: « incline l’oreille, et reçois les paroles e de l’intelligence1 » . Nous le voyons suffisamment, ce psaume est de l’intelligence à Asapb, car dans le titre, ce mot intelligence est au génitif; il y a de l’intelligence, et non intelligence, et nous devons l’écouter en inclinant l’oreille, ou avec une humble piété. Et même il n’est pas dit d’Asaph, mais bien à Asaph, comme nous le voyons par l’article grec, et dans certains exemplaires. Ces paroles sont donc des paroles d’instruction, des leçons comprises données à Asaph; et Asaph n’est point un seul homme, mais bien le peuple de Dieu dont nous ne devons pas nous séparer. Sans doute le mot de Synagogue convient particulièrement aux Juifs, celui d’Eglise aux chrétiens, comme on dit un troupeau de bêtes, une réunion d’hommes ; cependant nous voyons le nom d’Eglise donné à la Synagogue, et c’est à nous qu’il convient plus particulièrement de dire : «Sauvez-nous, Seigneur, notre Dieu, rassemblez-nous du milieu des peuples, afin que nous confessions votre nom2 ». Nous ne devons pas rougir, mais plutôt rendre à Dieu d’ineffables actions de grâce, de ce que nous sommes les brebis de ses mains, qu’il avait en vue quand il disait: J’ai d’autres brebis qui ne sont point de ce bercail, il me faut les amener, afin qu’il n’y ait qu’un seul troupeau et un seul pasteur3; enjoignant le peuple fidèle sorti de la gentilité au peuple fidèle venu des Juifs, dont il disait plus haut : « Je ne suis envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël4». Car toutes les nations seront rassemblées devant lui, et il les séparera comme le berger sépare les boucs des brebis5. Cette parole donc: « Ecoutez ma loi, ô mon peuple, inclinez l’oreille aux paroles de ma bouche», nous devons comprendre qu’elle est adressée, non plus aux Juifs, mais à nous-mêmes, ou du moins à nous comme aux Juifs. Car après avoir dit: « Mais la plupart d’entre eux ne furent point agréables à Dieu», pour montrer qu’il s’agit des Juifs qui déplurent à Dieu, l’Apôtre ajoute : « Ils périrent dans le désert », puis : « Or, toutes ces choses ont été des figures de ce qui nous regarde, afin que nous ne nous livrions pas aux mauvais désirs, comme ils s’y abandonnèrent. Ne devenez point idolâtres comme quelques-uns d’eux, ainsi qu’il est écrit: Le peuple s’assit pour manger et pour boire, et ils se levèrent pour se réjouir. Ne commettons point la fornication, comme le firent quelques-uns, et vingt-trois mille périrent en un seul jour. Ne tentons point le Christ, comme le tentèrent quelques-uns qui furent tués par des serpents. Ne murmurez point comme quelques-uns d’eux murmurèrent et furent frappés par l’ange exterminateur. Or, toutes ces choses qui leur arrivaient, étaient des figures : elles ont été écrites pour nous instruire, nous qui nous trouvons à la fin des temps6». Ces chants sont donc principalement pour nous. Aussi, entre autres choses, est-il dit dans ce psaume : « Afin de donner la lumière à une autre génération, aux fils qui doivent naître et nous suivre ». Or, si la mort que donnaient les serpents, si les coups de l’ange exterminateur; si la fureur du glaive, n’étaient que des figures, comme le dit clairement saint Paul, bien que ces maux soient des faits réels ; car il ne dit pas Tout cela se disait ou s’écrivait en figure; mais: « Tout cela leur arrivait en figure » : avec quel pieux empressement ne devons-nous point éviter les maux dont elles étaient la menace figurative ? De même en effet que dans les biens la réalité figurée dépasse de beaucoup la figure elle-même, de même en fait de malheurs, ceux que nous représentent les figures sont incomparablement plus à craindre, que ces calamités déjà si grandes qui étaient figuratives. De même encore que la terre de la promesse, où l’on conduisait ce peuple, n’est rien en coin para ison de ce royaume des cieux, où se dirige le chrétien; de nième ces châtiments, quelque sévères qu’ils soient, ne sont rien en comparaison des peines dont ils sont le symbole. Ce que saint Paul appelle ici figures, le Psalmiste, autant que nous pouvons le voir, l’appelle paraboles et énigmes. Nous ne devons pas nous attacher aux faits accomplis, mais bien aux instructions qu’ils nous donnent par une comparaison très-juste. Nous, peuple de Dieu, écoutons donc sa loi, et inclinons notre oreille aux paroles de sa bouche.