11.
« Ils ont oublié ses bienfaits, les miracles qu’il leur a fait voir, et les merveilles qu’il opéra en présence de leurs pères. Il y a ici une question qu’il ne faut pas négliger. Tout à l’heure, en parlant de leurs pères, le Prophète les appelait une race perverse et indocile. « Qu’ils ne deviennent point comme leurs pères, race indocile et rebelle, race qui n’a pas redressé son cœur1 », et tout le reste qu’il a dit de cette race, détournant la race à venir de l’imiter, l’engageant « à mettre en Dieu son espérance, à n’oublier point les oeuvres de Dieu, à rechercher ses préceptes » ; ainsi que nous l’avons suffisamment expliqué. Maintenant que le Prophète nous parle de cette génération qui a oublié les bienfaits de Dieu, et les merveilles qu’il leur a fait voir, pourquoi vient-il ajouter : « Les merveilles qu’il a opérées en présence de leurs pères? » De quels pères est-il question, car ils sont eux-mêmes ces 1ères, avec lesquels il ne veut point de ressemblance dans leurs enfants? Si nous entendons par là ces hommes dont ils étaient nés, comme Abraham, Isaac et Jacob, ils étaient morts depuis longtemps quand le Seigneur opéra des merveilles en Egypte. Car nous lisons ensuite : « Sur la terre d’Egypte, dans les champs de Tanis » ; c’est là, nous dit-on, que Dieu opéra des merveilles en présence de leurs pères. Ou bien ces mêmes pères étaient-ils présents en esprit, selon cette parole du Sauveur dans l’Evangile: « Car tous vivent devant lui2?» Ne serait-il pas plus facile d’entendre par ces pères, Moïse et Aaron, et ces anciens dont l’Ecriture nous dit qu’ils reçurent le même esprit que Moïse, afin de l’aider à conduire et à supporter le peuple3? Pourquoi ne pas les appeler des pères? Non point dans le sens que l’on donne à Dieu seul le nom de père, parce qu’il régénère dans le Saint-Esprit ceux qu’il adopte comme enfants dans l’héritage éternel; mais ce nom de père serait un nom d’honneur à cause de leur âge et de leur pieux dévouement. Ainsi saint Paul déjà vieux disait : « Ce n’est point pour vous donner de la confusion que j’écris ceci; mais ce sont des avis que je vous donne comme à des enfants bien-aimés4» ; et pourtant il n’ignorait pas cette parole du Seigneur : « N’appelez sur la terre personne votre père; car vous n’avez qu’un seul père, qui est dans les cieux5». Ce que le Christ n’a point dit sans doute pour ôter du discours ordinaire ce terme d’honneur, mais seulement pour nous empêcher d’attribuer, ou à la nature, ou à la puissance, ou à la sainteté d’aucun homme, la grâce de Dieu qui nous régénère pour la vie éternelle. En disant donc: « C’est moi qui vous ai engendré », il a précisé auparavant : « En Jésus-Christ et par l’Evangile », afin qu’on ne lui attribuât point ce qui appartient à Dieu.