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Dès lors, ou bien il nous faut entendre ces prophéties de ce que firent d’autres ennemis avant l’avènement du Christ en sa chair (car il n’y avait alors d’autre héritage de Dieu que ce peuple des saints Prophètes, lorsqu’il fut transporté à Babylone, et que la nation subit de tels désastres1; ce peuple des Macchabées, horriblement torturés par Antiochus, et qui furent si glorieusement couronnés2; le psaume nous prédit en effet ce qui fait les horreurs de la guerre), ou bien, s’il nous faut envisager l’héritage de Dieu après la résurrection et l’ascension du Seigneur, nous entendrons par ces calamités les maux que les idolâtres, les ennemis du nom chrétien ont fait endurer à l’Eglise dans cette foule innombrable de martyrs. Bien que le nom d’Asaph signifie synagogue ou assemblée, et que ce nom se donne ordinairement au peuple juif: néanmoins cette assemblée peut être nommée Eglise; et déjà dans un autre psaume3, nous avons donné le nom d’Eglise à l’ancien peuple. Cette Eglise est donc l’héritage de Dieu, formé de la circoncision et de la gentilité, c’est-à-dire du peuple d’Israël et des autres nations, par « cette pierre qu’ont rejetée les architectes, et qui est devenue la tête de l’angle4 » ,et à cet angle se sont jointes deux murailles, venant de directions différentes. « C’est lui qui est notre paix; lui qui e des deux peuples n’en a fait qu’un; pour former en lui-même un seul homme noue veau de ces deux peuples, mettant la paix entre eux, les réunissant tous deux à Dieu en un même corps5 ». C’est dans ce corps que nous sommes les enfants de Dieu, et que nous crions « Abba, notre Père6». « Abba » dans la langue des Juifs, « Père » dans la nôtre, car « Abba » signifie « Père ». De là cette parole du Sauveur : « Je ne suis envoyé que vers les brebis d’Israël qui se sont égarées7 » ; montrant ainsi que la promesse faite à ce peuple de lui envoyer le Messie était accomplie; et pourtant au même endroit il ajoute : « J’ai d’autres brebis qui ne sont point de cette bergerie, il me faut les amener, afin qu’il n’y ait qu’un seul troupeau et qu’un seul pasteur8 » : désignant ainsi les nations qu’il devait appeler à lui, non par sa présence corporelle, afin de justifier cette parole : « Je ne suis envoyé qu’aux brebis de la maison d’Israël qui se sont égarées »; mais par son Evangile que devaient aller répandre « les pieds si beaux de ceux qui annoncent la paix, qui prêchent les biens9: leur voix s’est fait entendre dans toute la terre, et leurs paroles jusqu’aux confins du monde10». De là encore cette Parole de l’Apôtre : « Je déclare que Jésus-Christ a été le ministre pour le peuple circoncis, afin de vérifier la parole de Dieu et de confirmer les promesses faites à nos pères ». Voilà bien : « Je ne suis envoyé qu’aux brebis d’Israël qui se sont égarées ». L’Apôtre ajoute: « Pour les Gentils, ils doivent bénir la divine miséricorde ». Voilà aussi: « J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie, il me faut les amener, et il n’y aura plus qu’un troupeau et qu’un pasteur ». Telle est la double grâce exprimée dans ce mot du Prophète cité par saint Paul: « Nations, réjouissez-vous avec son peuple11». C’est donc ce troupeau unique sous un seul pasteur qui forme l’héritage de Dieu, héritage non-seulement du Père, mais encore héritage du Fils. Car c’est le Fils qui a dit: «Le cordeau a mesuré ma part dans des lieux ravissants, mon héritage est incomparable ». Et cet héritage, par la bouche du Prophète, dit à Dieu : « Seigneur, notre Dieu, possédez-nous12» .Ce n’est point un héritage que le Père mourant ait laissé à son Fils; mais c’est le Fils qui par sa mort l’a acquis d’une manière merveilleuse, et en a pris possession par sa résurrection. 13