15.
Quant à ces paroles: « Que les cris des enchaînés s’élèvent jusqu’à vous», ou comme on lit dans d’autres exemplaires, «jusqu’en votre présence1 » ; nous ne voyons guère dans les saintes Ecritures, que les saints aient été jetés dans les entraves par leurs persécuteurs; et si cela est arrivé dans les tourments, si grands et si variés qu’ils ont endurés, cela est arrivé si rarement qu’il n’est pas croyable que le Prophète ait voulu choisir ce supplice pour s’y arrêter. Mais ces chaînes sont bien l’infirmité, la corruption des corps qui appesantissent l’âme. Car le persécuteur profitait de cette faiblesse, comme d’une douleur et d’une peine, pour perdre l’âme en la poussant à l’impiété. Voilà les chaînes dont l’Apôtre voulait être délivré pour être avec le Christ; mais il lui fallait prolonger son séjour en cette vie, à cause des fidèles qu’il formait à l’Evangile2. Jusqu’à ce qu’enfin ce corps corruptible ait revêtu l’incorruptibilité, et que ce corps mortel soit revêtu d’immortalité3, la chair qui est infirme retient dans des chaînes l’esprit qui est prompt. Mais ces liens ne sont lourds que pour ceux qui gémissent sous le poids qu’ils en ressentent4, et qui soupirent après le ciel qu’ils doivent revêtir; parce qu’ils ont horreur de la mort et s’ennuient dans cette vie mortelle. Tels sont les gémissements que redit le Prophète, afin que ces gémissements s’élèvent jusqu’à la présence de Dieu. Ces captifs enchaînés peuvent s’entendre encore de ceux qui sont liés par les préceptes de la sagesse ; et ces chaînes portées avec patience deviennent une gloire: de là cette parole : « Mets tes pieds dans ses liens5 ». « Dans la force de votre bras », poursuit le Prophète, « adoptez les fils de la mort »; ou comme on lit en d’autres exemplaires, « les fils de ceux que l’on a punis de mort».L’Ecriture nous montre aussi clairement quel était ce gémissement des captifs qui endurèrent pour le nom de Jésus-Christ les effroyables persécutions, prophétisées dans notre psaume. Au milieu de tourments si divers, ils priaient pour l’Eglise, afin que leur sang ne demeurât point stérile, et que ces moyens par lesquels ses ennemis espéraient détruire la famille du Seigneur, la rendissent plus féconde, « Les fils de ceux qui ont été tués », dit le Prophète, et qui, loin de s’effrayer à la vue des souffrances des martyrs qui les avaient précédés, sont venus en foule embrasser la foi de Celui pour l’honneur duquel ils les voyaient donner leur vie, excités qu’ils étaient par leur gloire à les imiter. Aussi dit-il : « Selon la force de votre bras ». Car tel est l’effet qui en est résulté chez les peuples chrétiens, que les persécuteurs qui croyaient prévaloir, ne l’eussent jamais prévu.