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Œuvres Augustin d'Hippone (354-430) Discours sur les Psaumes
DISCOURS SUR LE PSAUME LXXXIII.

8.

Mais c’est ici-bas qu’est le nid, ici-bas le pèlerinage, ici-bas les soupirs, ici-bas l’accablement, ici-bas l’affliction, parce que ici-bas c’est le pressoir. Que veut donc la tourterelle? Où tendent ses affections ? Où veut-elle porter nos désirs ? élever nos voeux? Voilà ce que médite ici-bas le Prophète, au milieu des tentations, au milieu des maux qui l’accablent; et se trouvant comme sous le pressoir, il soupire après les promesses éternelles, il médite les joies du ciel, et s’entretient de ce qu’il y fera un jour. « Bienheureux », dit-il, « ceux qui habitent dans votre maison1». D’où leur viendra ce bonheur? que feront-ils ? que posséderont-ils ? Tous ceux que l’on appelle heureux sur la terre font quelque chose, possèdent quelque chose. Bienheureux cet homme qui a tant de domaines, tant de serviteurs, tant d’or et tant d’argent; on l’appelle heureux à cause de ses possessions. Cet autre est heureux aussi, il a obtenu tels honneurs, il est proconsul, préfet; on le dit heureux à cause de ses emplois. C’est donc l’emploi, c’est la richesse qui nous fait paraître heureux. Mais dans le ciel, d’où viendra notre bonheur ? Que posséderons-nous ? Que ferons-nous? Ce que nous posséderons, je l’ai dit, tout à l’heure : « Bienheureux ceux qui habitent votre maison». Tu n’es point riche, si tu n’as que ta maison, mais c’est être riche que posséder la maison de Dieu. Dans ta maison, lite faut craindre les voleurs, le mur de la maison de Dieu, est Dieu lui-même. « Bienheureux ceux qui habitent dans votre maison ». Ils possèdent la Jérusalem céleste sans angoisse, sans chagrin, sans division et sans partage tous la possèdent et chacun la possède en totalité. Immenses richesses que celles du ciel ! Le frère n’y resserre point son frère, nul n’y souffre l’indigence. Que ferons-nous donc dans ce palais? Car c’est la nécessité qui est la mère de toutes nos actions. Je vous l’ai déjà dit en un mot, mes frères : examinez toutes nos actions et voyez si ce n’est la nécessité qui en est le principe. Voyez ces arts si nobles qui sont pour nous d’un grand secours, l’éloquence du barreau, la science de la médecine, ils s’exercent ici-bas par des actes excellents; mais qu’il n’y ait plus de procès, et de quoi serviront les avocats? qu’il n’y ait ni blessure, ni maladie, à quoi bon le médecin? Tous les actes qui sont nécessaires, et qui se font dans la vie quotidienne, ont aussi pour principe la nécessité. Labourer, semer, défricher, naviguer, quelle est la cause de ces travaux, sinon la nécessité? Que l’homme n’ait jdus faim, n’ait plus soif, ne soit pas nu, à quoi bon tout cela? Cette vérité s’étend même aux actions de charité que l’on nous commande; car jusqu’ici je n’ai parlé que des occupations honnêtes, communes à tous les hommes, et non de ces oeuvres criminelles, oeuvres détestables, comme les homicides, les adultères, les larcins et ces crimes énormes que je ne comprends point dans les actions des hommes: je me borne donc aux actes honnêtes, qui n’ont de principe que la nécessité, cette nécessité qui nous vient de la faiblesse de la chair. Ces oeuvres même de charité qui nous sont commandées, supposent la nécessité: « Donne du pain à celui qui a faim»; à qui en donneras-tu, si nul n’a besoin? «Reçois dans ta maison celui qui est sans asile2 » ; quel étranger recevras-tu, si tous sont heureux dans leur patrie? Quel malade pourras-tu visiter, si chacun jouit d’une santé inaltérable? Quelle querelle devras-tu apaiser dans une paix profonde? Quel mort à ensevelir quand la vie est sans fin ? Tu n’auras donc plus à faire dans le ciel, ni ces oeuvres honnêtes communes à tous les hommes, ni ces oeuvres dc charité : les petits de la tourterelle auront déjà volé hors de leur nid. Que feras-tu donc? Tu nous a déjà fait voir ce que nous posséderons: « Bienheureux ceux qui habitent dans « votre maison u - Dis-nous donc, ô Prophète, nos occupations, car il n’y a dans le ciel aucune nécessité pour nous faire agir. Maintenant même, c’est la nécessité qui me force à parler, à instruire. Faudra-t-il encore dans le ciel cette instruction qui instruise les ignorants, ou qui stimule les mémoires oublieuses ? Lira-t-on l’Evangile dans cette patrie où nous contemplerons le Verbe de Dieu? Après nous avoir dit par ses soupirs et ses gémissements en notre nom, ce que nous posséderons dans cette patrie après laquelle nous soupirons : « Bienheureux ceux qui habitent dans a votre maison ; que le Prophète nous dise aussi ce que nous devons y faire. Ils vous béniront dans les siècles des siècles ». Telle sera donc notre occupation, un alléluia sans fin. Gardez-vous de croire, mes frères, qu’il y aura là quelque dégoût pour vous : mainte. nant ce chant de joie vous fatigue, pour peu que vous le prolongiez, et la nécessité vous force de l’interrompre. Et comme ce que l’on ne voit pas est moins touchant, si néanmoins, sous le pressoir, et dans la fragilité de la chair, nous bénissons avec tant d’allégresse ce que nous montre la foi, que sera-ce quand nous verrons à découvert? Quand la mort sera absorbée dans sa victoire, quand notre corps mortel sera revêtu d’immortalité, et ce qui est corruptible devenu incorruptible3, nul ne dira: J’ai été debout longtemps, non plus que: J’ai jeûné longtemps, veillé longtemps. C’est là que règne la stabilité parfaite, et que notre corps, devenu immortel, sera absorbé dans la contemplation de Dieu. Et si pour nous écouter, cette chair si fragile se tient debout si longtemps, quels effets ne produira point sur nous la joie du ciel ? Quel changement n’opérera-t-elle pas? Nous serons semblables à Dieu, parce que nous le verrons tel qu’il est4. Une fois semblables à Dieu, pourrions-nous éprouver la défaillance, ou nous détourner de lui? Soyons sans crainte, mes frères, nous n’éprouverons aucune lassitude à louer Dieu, à aimer Dieu. Nous cesserions de le louer, si nous cessions de l’aimer; mais si l’amour doit être éternel en nous, puisqu’on ne pourra se rassasier de contempler cette beauté, ne crains point alors de ne pouvoir toujours bénir celui que tu pourras toujours aimer. « Bienheureux donc ceux qui habitent votre maison, ils vous béniront dans les siècles des siècles ». Puissions-nous soupirer après cette vie!


  1. Ps. LXXXIII, 5. ↩

  2. Isa. LVIII, 7. ↩

  3. I Cor. XV, 53, 54. ↩

  4. I Jean, III, 2. ↩

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