11.
Pourquoi, « dans la vallée des larmes? » Et de quelle vallée des larmes irons-nous à ce séjour de la joie? « Car celui qui a donné la loi, donnera aussi la bénédiction1 », dit le Prophète. Dieu nous a donné la loi, nous a humiliés par la loi, il nous a montré le pressoir; nous avons passé par l’affliction, subi la tribulation de notre chair, gémi sous l’aiguillon du péché qui se révoltait contre l’esprit, et nous avons crié : «Malheureux homme que je suis2 ! » Nous avons donc gémi sous la loi : que reste-t-il, sinon que nous recevions aussi la grâce de Celui qui nous a donné la loi? La grâce viendra donc après la loi, telle est la bénédiction. Et quel bien nous a procuré cette grâce, cette bénédiction? « Ils iront de vertus en vertus ». Car Dieu par la grâce fait éclore les vertus. « L’un reçoit du Saint-Esprit le don de parler avec sagesse; l’autre reçoit du même Esprit le don de parler avec science; un autre le don de la foi; un autre le don de guérir; un autre le don de parler diverses langues; un autre le don de les interpréter; un autre le don de prophétie3». Combien de vertus, mais nécessaires ici-bas, et vertus qui nous conduisent à la vertu! A quelle vertu ? Au Christ, qui est la vertu de Dieu, la sagesse de Dieu4. Dieu nous donne ici-bas plusieurs vertus, mais un jour, au lieu de ces vertus qui sont nécessaires dans la vallée des larmes, il nous donnera une seule vertu qui est lui-même. On met en effet au nombre de quatre les vertus nécessaires en cette vie, et nous les retrouvons dans l’Ecriture : la prudence, qui nous fait discerner le bien du mal; la justice qui rend à chacun ce qui lui appartient, ne doit rien à personne et a pour tous la charité5; la tempérance qui nous fait réprimer nos convoitises; le courage à supporter les afflictions. Telles sont les vertus que nous donne la grâce de Dieu dans cette vallée des pleurs, et qui nous font arriver à une autre vertu. Or, quelle sera cette autre vertu, sinon la contemplation de Dieu? Alors il n’y aura plus besoin de prudence, où il n’y aura plus aucun mal à éviter. Mais quelle pensée nous vient, mes frères? Il n’y aura plus besoin de cette justice, parce qu’il n’y aura plus aucune indigence qu’il nous faille secourir; il n’y aura plus de cette tempérance, puisqu’il n’y aura aucune passion à refréner; il n’y aura plus de cette patience, parce qu’il n’y aura point d’affliction à supporter. De ces vertus qui règlent toute action de la vie, nous nous élèverons à cette vertu de contemplation qui nous mettra en face de Dieu, ainsi qu’il est écrit: « Je me tiendrai devant vous au matin, et je vous contemplerai6 ». Et pour te montrer que les vertus de cette vie active nous conduiront à la contemplation, le Prophète ajoute : « Ils iront de vertus en vertu ». A quelle vertu? A la vertu de contemplation. Qu’est-ce que contempler? « Le Dieu des g dieux se montrera en Sion». Le Christ des chrétiens. Comment « le Dieu des dieux » est-il le Christ des chrétiens? « J’ai dit : vous êtes des dieux, vous êtes tous les fils du Très-Haut7 ». Il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu8, ce Dieu en qui nous croyons, cet Epoux incomparable qui a voulu apparaître sans beauté, à cause de nos laideurs. « Car nous l’avons vu », dit le Prophète, « et il n’avait ni grâce ni beauté9». Or, quand la nature mortelle n’y mettra plus obstacle, il apparaîtra aux coeurs purs, tel qu’il est en Dieu, Verbe en son Père, et Verbe par qui tout a été fait. Bienheureux ceux dont le coeur est pur, parce qu’ils verront Dieu . « Le Dieu des dieux se montrera en Sion10 ».