8.
Mais pourquoi au milieu du jour? Parce que c’est au plus fort de la persécution, comme on appelle midi les plus grandes chaleurs. Que votre charité écoute la preuve qu’en donnent les saintes Ecritures. Dans la parabole du semeur, le Seigneur nous dit qu’il alla semer son grain , qu’une partie tomba sur le grand chemin, une autre dans des endroits pierreux, une autre parmi les épines; puis il veut bien nous exposer cette parabole, et en parlant des endroits pierreux, il dit: « Ceux-là écoutent la parole, s’en réjouissent sur-le-champ, puis se scandalisent aussitôt quand la parole éprouve une première persécution ». Qu’avait-il dit de la semence qui tombait sur le terrain pierreux? « Le soleil se lève », dit le Sauveur, « et ils se dessèchent parce qu’ils n’ont pas une profonde racine. Ceux-là donc se réjouissent de la parole pendant une heure, et « quand la persécution s’élève contre la parole, ils se dessèchent1». Pourquoi se dessécher? tu Parce qu’ils n’ont pas une racine « bien affermie». Quelle racine? la charité. Car l’Apôtre veut « nous enraciner, nous affermir dans la charité2 ». De même en effet que la convoitise est ha source de tous les maux3, la charité est la source de tous les biens. Vous le savez, on vous l’a dit souvent. Mais pourquoi vous le rappeler encore? Afin de vous faire comprendre que dans notre psaume, le démon de midi signifie la violence de la persécution. C’est ainsi que le Seigneur a dit : « Le soleil s’est levé, l’herbe a séché, parce qu’elle n’était point enracinée ». Puis, expliquant ce que signifie l’herbe que dessèche le soleil, il ajoute qu’ils ne peuvent tenir sous les feux de la persécution, « puisqu’ils n’ont point une racine profonde ». Nous avons donc raison d’entendre par le démon de midi, une persécution violente. Trouvez bon, mes frères, que je vous rappelle ce que fut jadis cette persécution dont le Seigneur a délivré son Eglise. D’abord les empereurs et les rois du monde crurent qu’au moyen de la persécution, ils effaceraient le nom du Christ, et le nom des chrétiens, et ils ordonnèrent que l’on frappât de mort quiconque oserait se dire chrétien. Alors tout homme qui craignait la mort nia qu’il fût chrétien; mais comme il connaissait son crime, il était percé par la flèche qui vole pendant le jour. Quant à celui qui, peu soucieux de cette vie présente, et plein d’espérance pour la vie éternelle, évitait la flèche qui vole pendant le jour, celui-là confessait la foi de Jésus-Christ, et le coup qui frappait son corps délivrait son âme. Il passait dans le repos, au sein de Dieu, attendant que la résurrection des morts vînt délivrer son corps : il échappait ainsi à la tentation, ou à la flèche qui vole pendant le jour. C’était donc une flèche qui volait pendant le jour, que cette parole: Que tout homme qui se déclarera chrétien, soit frappé de mort. Ce n’était pas néanmoins encore le démon de midi, sévissant dans une persécution violente, et attisant un brasier que ne pouvaient supporter les plus forts. Ecoutez ce qui suivit. Nos ennemis, voyant qu’un grand nombre couraient au martyre, et que plus on faisait de victimes, plus augmentait le nombre des chrétiens, se dirent en eux-mêmes: Il nous faudra tuer le genre humain, tant sont nombreux ceux qui ont cette croyance, et si nous les égorgeons tous, nul ne demeurera sur la terre. Le soleil alors versa tous ses feux, la fournaise fut embrasée. Ecoutez les nouvelles ordonnances: auparavant ils avaient dit : Mort à celui qui se déclarera chrétien ; ils dirent ensuite: Quiconque se déclarera chrétien sera mis sur le chevalet et torturé, jusqu’à ce qu’il renoncera au Christ4. Comparez et la flèche qui vole pendant le jour, et le démon du midi. Qu’était-ce que cette flèche volant pendant le jour? Mort à celui qui se déclarera chrétien. Quel fidèle ne l’eût pas évitée par une mort prompte? Quant à celle-ci: S’il se déclare chrétien, qu’il ne soit point mis à mort, mais mis à la torture, jusqu’à ce qu’il abjure le christianisme, s’il abjure qu’il soit renvoyé; c’est le démon du midi. Plusieurs de ceux qui n’avaient point abjuré manquaient de force dans les tourments; on les torturait jusqu’à l’abjuration, Que pouvait faire un coup d’épée à ceux qui persévéraient à n’abjurer point le Christ? Un même coup jetait le corps à terre, et l’âme devant Dieu. Voilà ce que faisaient encore de longs tourments. Mais où trouver un courage qui pût braver des supplices aussi atroces et aussi longs? Beaucoup succombèrent; et ceux-là succombèrent, je crois, qui comptaient sur eux-mêmes, qui n’habitaient point dans le secours du Seigneur, dans la protection du Dieu du ciel; qui ne dirent point au Seigneur : « Vous êtes mon appui »; qui n’espérèrent point à l’ombre de ses ailes, et se confièrent trop en leurs propres forces. Ils furent rejetés de Dieu, qui voulut leur montrer que c’est lui qui protège, lui qui proportionne l’épreuve, lui qui permet qu’elle nous arrive, seulement à proportion de nos forces.