7.
Mais s’il te suggère une autre tentation, et te dit : Si tu étais chrétien, tu ferais des miracles comme en ont fait d’autres chrétiens; que feras-tu? Sous l’empire de cette pensée, tu en viendrais à tenter le Seigneur ton Dieu, et à dire à ce Dieu Notre-Seigneur: Si je suis chrétien, et si je suis agréable à vos yeux, si vous daigniez me compter au nombre de vos serviteurs, que je fasse donc quelque miracle comme vos saints en ont tant fait si souvent? C’est là tenter Dieu, comme si tu n’étais chrétien qu’à la condition de faire des prodiges. Ce désir en a fait tomber beaucoup d’autres : c’est là ce que Simon demandait aux Apôtres, quand il voulait à prix d’argent acheter le Saint-Esprit1. Il fut ambitieux de cette puissance des prodiges, mais non ambitieux de marcher dans leur humilité. De là vient qu’un des disciples, ou un homme de la foule voulant suivre le Sauveur, à la suite des miracles qu’il opérait, le Sauveur vit que cet orgueilleux recherchait le faste de l’orgueil, plutôt que la voie de l’humilité , et lui répondit : « Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids; mais le Fils de l’homme n’a point où reposer sa tête2 ». C’est en vous que les oiseaux du ciel ont des nids, en vous encore que les renards ont des tanières. Car si les oiseaux s’élèvent dans les airs, ainsi font les orgueilleux; si les renards creusent des cavernes trompeuses, ainsi font les hypocrites. Que répond donc le Seigneur? L’orgueil et l’hypocrisie peuvent trouver place chez vous, mais le Christ ne saurait habiter en vous, ni même y reposer sa tête. Car reposer sa tête est une marque d’humilité. Les disciples avaient de semblables désirs, ils convoitaient une place dans son royaume avant d’avoir pris le chemin de l’humilité, quand la mère de ces disciples lui disait : « Commandez que l’un d’eux soit assis à votre droite et l’autre à votre gauche3 »; ils aspiraient à la puissance, mais c’est par les souffrances de l’humilité que l’on arrive à la gloire du royaume. « Pouvez-vous», leur dit le Seigneur, « boire le calice que je boirai4 ? » Pourquoi aspirer aux grandeurs de mon royaume, et n’imiter point mon humilité ? Que faut-il donc répondre au démon, s’il te dit pour te tenter: Fais des miracles? Que dois-tu répondre, afin de ne point tenter Dieu à ton tour? Ce que répondit le Seigneur. Le diable lui dit: « Jetez-vous en bas, car il est écrit: Dieu a fait à votre sujet des prescriptions à ses anges; ils vous porteront dans leurs mains de peur que vous ne heurtiez votre pied contre la pierre5». Si vous vous précipitez en bas, les anges vous recevront. Il eût pu arriver, nies frères, que si le Seigneur se fût précipité, les anges eussent porté le corps du Seigneur. Mais que répondit-il? «Il est écrit aussi : Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu6». Tu me crois un homme. Le diable en effet ne s’était approché que pour découvrir s’il était le Fils de Dieu. Il voyait une chair, il est vrai, mais sa majesté se reflétait dans ses oeuvres, et les anges lui avaient rendu témoignage. Le diable donc ne voyait en lui qu’un homme mortel à tenter; et le Christ voulait être tenté pour instruire ses disciples. Qu’est-ce donc qui est écrit? « Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu ». Ainsi ne tentons point le Seigneur, et ne lui disons point: Si nous vous appartenons, faites-nous taire un miracle.