11.
Mais que me dira celui qui, dans ces lieux paisibles, est préposé à ses frères ou plutôt est leur serviteur, dans cet asile appelé monastère? Que me dira-t-il? Je me tiendrai sur mes gardes, je n’admettrai aucun méchant, Comment n’admettre aucun méchant? Je n’admettrai aucun homme d’humeur fâcheuse, aucun frère méchant qui voudrait y montrer; je me bornerai à quelques bons. Comment connaître celui que tu devras exclure ? On ne peut connaître sa méchanceté qu’après des épreuves dans le monastère. Or, comment exclure celui qui veut entrer, que tu dois éprouver ensuite, et que tu ne saurais éprouver s’il n’est entré? Repousseras-tu donc tous les méchants? car tu le promets, et tu as le coup d’oeil juste. Ils viennent tous à toi le coeur sur la main? Mais ceux qui veulent titrer ne se connaissent point, comment les connaîtrais-tu? Plusieurs avaient promis de mener cette vie sainte, qui met tout en commun, où nul ne revendique de propriété, où tous n’ont qu’un coeur et qu’une âme1 ; une fois dans la fournaise, ces vases ont crevé. Comment connaître celui qui ne se connaît point lui-même? Excluras-tu les faux frères le la société des bons? Mais toi qui parles de la sorte, bannis de ton esprit, si tu le peux, toutes les pensées mauvaises; ne laisse entrer dans ton coeur aucune suggestion fâcheuse. Je n’y consens point, dis-tu. Cette suggestion n’est pas moins entrée, car nous voulons tous que nos coeurs soient sur leur garde, au point de ne laisser entrer aucune suggestion. Qui peut même savoir par où elle entrera? Chaque jour notre coeur seul nous livre des combats, et un seul homme trouve dans son coeur une foule d’ennemis. Suggestions de l’avarice, suggestions de la luxure, suggestions de l’intempérance, suggestions las joies du siècle, suggestions de toutes parts. Attaqué partout, il résiste partout, s’abstient de tout; mais il est bien difficile de n’être point blessé parfois. Où trouver la sécurité? nulle part en cette vie, sinon dans l’espérance des promesses de Dieu. C’est dans l’accomplissement de ces promesses que nous louerons la parfaite sécurité, alors que se fermeront les portes de la Jérusalem céleste, dont les serrures sont inébranlables2; là notre jubilation sera pleine, et notre bonheur ineffable. Mais aujourd’hui ne louez pas sans crainte une vie quelconque, ne chantez pas un homme avant sa mort3.