11.
« A cause de votre colère et de votre indignation, après m’avoir élevé, vous m’avez précipité1 ». Telle fut, ô mon Dieu, votre colère en Adam; votre colère dans laquelle nous sommes nés, qui nous a enveloppés à notre naissance, votre colère contre la transfusion de l’iniquité, contre la masse du péché; selon cette parole de l’Apôtre: « Nous avons été, nous aussi, enfants de colère, comme le reste des hommes2 » ; et cette autre du Sauveur: « La colère de Dieu pèse sur quiconque ne croit pas au Fils unique de Dieu3 » . Il ne dit pas: La colère de Dieu viendra sur lui ;mais bien : « pèse sur lui », parce qu’elle ne lui a pas été enlevée depuis sa naissance. Pourquoi donc cette parole et que veut-elle dire: « Après m’avoir élevé, vous m’avez précipité? » Il n’est point dit: Parce que vous m’avez élevé et précipité; mais bien: « Parce que vous m’avez élevé, vous m’avez précipité ». Mon élévation a été la cause de ma ruine. Comment cela? L’homme, étant en honneur, a été fait à l’image de Dieu. Elevé à cet honneur, tiré de la poussière, tiré de la terre, il a reçu une âme raisonnable; la lumière de sa raison lui a fait donner le sceptre sur les animaux, sur le bétail, sur les oiseaux, sur les poissons4. Qu’y a-t-il en eux qui ait la lumière de la raison? Nul d’entre eux n’a été fait à l’image de Dieu. Mais comme nul n’a cet honneur, nul aussi ne ressent notre misère. Quel animal pleure son péché? Quel oiseau craint la violence des flammes éternelles? Comme il n’a nulle part à la vie éternelle, il ne ressent point l’aiguillon de nos misères. Mais l’homme qui est fait pour la vie bienheureuse, s’il vit saintement, n’aura qu’une vie de misères, si sa vie est dépravée. Donc, « parce que vous m’aviez élevé, vous m’avez précipité »; et je suis en butte à la peine, parce que vous m’avez donné le libre arbitre. Car si vous ne m’aviez donné ni le libre arbitre, ni cette raison qui me rend supérieur aux animaux, mon péché ne serait point suivi d’une juste condamnation. Donc vous m’avez élevé par le libre arbitre, et précipité par le jugement de votre justice.