4.
Pense donc, ô mon âme, à tous les bienfaits de Dieu, sans oublier tes offenses envers lui. Plus tes offenses sont nombreuses, et plus nombreux sont ses bienfaits. Or, quels présents pourras-tu lui faire? Quels dons? Quels sacrifices? Ne pas oublier ses saintes rétributions, c’est là un sacrifice qui lui est agréable. « Bénis le Seigneur, ô mon âme. C’est le sacrifice de louanges qui m’est agréable. Immole à Dieu une hostie de louanges, et rends tes voeux au Très-Haut1 ». Dieu veut que tu le bénisses, et cela pour ton avantage, et non pour les intérêts de sa gloire. Tu ne saurais lui rien offrir en échange de ses dons, et ce qu’il exige, c’est pour toi et non pour lui ; c’est pour ton bien, tu en retireras le fruit. Ce qu’il aime de toi, n’est point l’accroissement de sa gloire, mais ce qui peut te conduire à lui. Aussi les martyrs cherchaient-ils ce qu’ils devaient rendre à Dieu, et dans leur dépit de ne rien trouver, ils s’écriaient:
« Que rendrai-je au Seigneur pour tout le bien qu’il m’a fait? » et ils ne trouvaient rien à lui rendre, sinon: « Je prendrai le calice du salut, et j’invoquerai le nom du Seigneur2». Que rendras-tu au Seigneur? Tu cherchais sans pouvoir trouver cette parole: « Je prendrai le calice du salut ». Quoi donc? Ce calice du salut n’est-il pas un don de Dieu? Donne a Dieu, si tu le peux, quelque chose de toi. Ou plutôt ne le fais point, ne lui donne point ce qui vient de toi; Dieu ne veut rien de ce qui est à toi, car de toi-même tu ne peux lui offrir que le péché. Tout ce que tu as de bon, te vient de Dieu, le péché seul t’appartient. Dieu donc ne veut point que tu lui offres ce qui vient de toi, mais bien ce qui vient de lui. Si d’un champ qu’il a semé, tu apportes au maître quelques gerbes, c’est là le fruit qui lui appartient; lui offrir des épines, voilà ce qui vient de toi. Rends à Dieu la vérité, bénis-le dans la vérité. Le louer de toi-même, c’est mentir. « Celui qui profère le mensonge, dit ce qui lui est propre3 ». Dire ce qui vient de nous-mêmes, c’est donc mentir; dire ce qui vient de Dieu, c’est dire la vérité. Mais prendre le calice du salut, qu’est-ce autre chose que souffrir à l’exemple du Sauveur? Voilà ce qu’ont fait les martyrs. Voilà ce qu’a enseigné le Sauveur à ceux qui recherchaient les premières places, qui fuyaient la vallée des larmes, qui voulaient s’asseoir l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Que leur dit-il en effet? « Pouvez-vous boire le calice que je boirai4? » Et le martyr, sur le point de s’immoler à Dieu comme une victime sainte, s’écrie: « Je prendrai le calice du salut ». Je prendrai le calice du Christ, je boirai à la coupe des douleurs de mon Dieu. Garde-toi de faillir. Oui, « j’invoquerai le nom du Seigneur ». Ceux donc qui ont failli, n’ont pas invoqué le nom du Seigneur, ils ont compté sur leur propre courage. Pour toi, rends à Dieu, sans oublier que tu as reçu de lui ce que tu lui offres. Que ton âme bénisse donc le Seigneur, de manière à n’oublier jamais ses dons.