3.
« Seigneur, mon Dieu, votre grandeur a e été trop relevée ». Voyez quelles magnificences va chanter le Prophète, et néanmoins dans ces magnificences, il ne faut bénir que l’auteur de ces grandes oeuvres. « Vous vous êtes revêtu de: gloire et de beauté ». O Seigneur mon Dieu, dont la grandeur est infinie, d’où vient qu’on chante cette grandeur? N’ôtes-vous point toujours grand? toujours magnifique ? N’êtes-vous point parfait, et pouvez-vous croître encore? Y a-t-il chez vous déchéance ou diminution? Mais vous êtes ce que vous êtes, et vous êtes véritablement, c’est vous qui vous êtes ainsi nommé à Moïse votre serviteur « Je suis celui qui suis1 » ; vous êtes grand dès lors, et vôtre grandeur est éternelle; elle n’a ni commencement ni fin; elle n’a point commencé avec le temps, elle ne s’écoule point vers la 6n du temps, ne souffre point diminution au milieu des temps; c’est une grandeur immuable. Comment donc votre grandeur fi-t-elle été trop relevée? Un autre prophète nous avertit ce disant : « Votre science est devenue admirable par moi2». Or, si l’on peut dire avec vérité : «Votre science est devenue admirable par moi » ; on peut dire aussi : « Vous êtes infiniment grandi par moi, Seigneur mon Dieu ». Mais on peut demander encore: Est-ce moi qui puis relever Dieu? moi qui puis le grandir? La prière que nous offrons chaque jour à Dieu pour notre salut, nous enseigne quelque chose de semblable: « Que votre nom soit sanctifié », disons-nous; c’est là ce que nous demandons chaque jour, Si quelqu’un nous interrogeait : Comment demandez-vous que le nom du Seigneur soit sanctifié? Y a-t-il un moment où il ne soit pas saint, pour demander qu’il soit sanctifié? Et pourtant, si nous ne désirions pas qu’il en fût ainsi, nous ne le demanderions point. Car autre est la congratulation, et autre la prière; noue félicitons de ce qui est, nous demandons ce qui n’est pas encore. Quel est donc le sens de cette parole : « Que votre nom soit sanctifié? » Il nous aidera à comprendre cette autre : « Seigneur mon Dieu, vous êtes grandi à l’excès ». Or, « Que votre nom soit sanctifié3 », signifie: Que votre nom soit saint parmi les hommes. Sans doute, Seigneur, votre nom est toujours saint, mais il n’est pas encore saint pour les âmes impures. Car l’Apôtre l’a dit : « Tout est pur pour ceux qui sont purs, mais rien n’est pur pour les coeurs immondes et infidèles4 ». Si rien n’est pur pour les coeurs infidèles et immondes, j’en demande la cause, et l’Apôtre me répond que « leur raison et leur conscience sont souillées». Or, si pour eux rien n’est pur, Dieu lui-même ne l’est pas; à moins de croire peut-être qu’ils le regardent comme pur, tout en le blasphémant. S’il est pur, qu’il leur plaise donc; et s’il leur plaît, qu’ils le bénissent. Mais s’ils le blasphèment, c’est qu’il leur déplaît; et s’il leur déplaît, comment peut être pur celui qui déplaît? Que demandons-nous alors par cette parole : « Que votre nom soit sanctifié ? » Nous demandons que le nom du Seigneur soit saint dans ces hommes, pour qui il ne l’est pas à cause de leur infidélité, dans ceux pour qui n’est pas encore Saint, celui qui est saint en lui-même, par lui-même, et dans ses saints. Nous prions donc pour le genre humain, nous prions pour l’univers entier, pour tous les Gentils, pour tous ceux qui passent les journées à raisonner et à nous dire que Dieu n’est point juste, que ses jugements ne sont point justes, afin qu’ils se corrigent enfin eux-mêmes, et qu’ils redressent leur coeur sur sa droiture, qu’ils s’attachent à lui; devenus droits, selon la règle même, qu’ils ne blâment plus l’équité de Dieu, mais que le Seigneur, toujours droit, plaise à ceux qui seront droits eux-mêmes. Car le Seigneur, « le Dieu d’Israël est bon », mais « à ceux qui ont le coeur droit5 ». Alors celui qui chante ainsi, c’est-à-dire nous-mêmes, qui formons le corps du Christ, nous membres du Christ, à la vue des biens qu’a prodigués le Seigneur au genre humain, pour qui naguère Dieu n’était pas, ou n’était qu’un faux Dieu, ou du moins un Dieu moins grand, cet homme, dis-je, en voyant Dicta dans ses oeuvres, s’écrie : « Seigneur mon Dieu, vous êtes grandi à l’infini », c’est-à-dire, naguère je ne vous connaissais point, et je comprends que vous êtes grand. Vous êtes toujours grand, même quand vous êtes caché; mais Vous êtes devenu grand pour moi en m’apparaissant. Vous êtes donc grandi de ma part; de même que j’ai contribué à rendre votre science admirable6, quand elle est devenue admirable pour moi. Je l’admire quand je reviens à elle ; mais quand je n’y reviendrais pas, et quand, après y être revenu, je m’en détournerais, votre sagesse n’en demeure pas moins dans son intégrité. Mais quand par elle je deviens grand, que de petit elle me rend parfait, j’admire ce que je ne connaissais pas, non que mon admiration le grandisse, mais arriver à le connaître, de ma part, c’est grandir. Ecoute alors où Dieu me paraît grandi à l’excès, lui qui est toujours grand; c’est dans ses oeuvres qu’il nous a paru démesurément grand.
