4.
« De ma voix j’ai crié vers le Seigneur (Ps. III, 5 )»: non pas de cette voix corporelle, qui devient sonore par la répercussion de l’air; mais de cette voix du coeur, que l’homme n’entend point, mais qui s’élève à Dieu comme un cri; de cette voix de Susanne (Dan. XIII, 44 ) qui fut exaucée, et avec laquelle Dieu nous a recommandé de prier, dans nos chambres closes, ou plutôt sans bruit, et dans le secret des coeurs (Matt. VI, 6 ). Et que l’on ne dise point qu’il y a moins de supplication dans cette voix, quand notre bouche ne laisse entendre aucune parole sensible : puisque dans la prière silencieuse de notre coeur, une pensée étrangère au sentiment de nos supplications nous empêche de dire : « Ma voix s’est élevée jusqu’au Seigneur». Cette parole n’est vraie en nous que quand l’âme, s’éloignant, dans l’oraison, et de la chair, et de toute vue terrestre, parle seule à seul au Seigneur qui l’entend. Elle prend le nom de cri, à cause de la rapidité de son élan. « Et il m’a exaucé du haut de sa montagne sainte ». Un autre prophète appelle montagne le Seigneur lui-même, quand il écrit qu’une pierre détachée sans la main d’un homme, s’éleva comme une grande montagne (Dan., II, 35 ). Mais cela ne peut s’entendre de sa personne même, à moins de faire dire au Christ : Le Seigneur m’a exaucé, « de moi-même » comme de sa montagne sainte, car il habite en moi comme en sa hauteur. Mais il est mieux et plus court d’entendre que le Seigneur l’a exaucé du haut de sa justice. Car il devait à sa justice de ressusciter l’innocent mis à mort, à qui l’on a rendu le mal pour le bien, et de châtier ses persécuteurs. Nous lisons en effet que « la justice de Dieu est élevée comme les montagnes (Ps. XXXV, 7 )».