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Œuvres Augustin d'Hippone (354-430) Discours sur les Psaumes
DISCOURS SUR LE PSAUME CVI.

14.

« Les voilà réduits à un petit nombre, accablés de maux1 » D’où ces maux? du dehors? Non, mais de l’intérieur. Pour les réduire à un petit nombre, cette parole s’accomplit alors : « Ils sont sortis de nous, mais ils n’étaient pas des nôtres2 ». Si le Prophète parle encore de ceux-ci comme il en parlait auparavant, c’est afin que nous les distinguions seulement par la pensée; puisqu’il parle d’eux comme s’ils étaient les mêmes, à cause des sacrements qui leur sont communs avec nous. Ces hommes, en effet, appartiennent au peuple de Dieu, sinon par la vertu, du moins par les dehors de la piété. C’est d’eux que nous avons entendu dire à saint Paul : « Dans les derniers temps, il viendra des jours fâcheux, et les hommes s’aimeront eux-mêmes ». Premier malheur ; « ils s’aimeront eux-mêmes », et mettront en eux-mêmes leur propre complaisance. Puissent-ils se déplaire, car alors ils plairaient à Dieu ! puissent-ils en appeler à lui dans leurs difficultés, car alors ils seraient délivrés! Mais leur confiance en eux-mêmes « les a réduits à un petit nombre ». Cela est évident, mes frères; tous ceux qui se séparent de l’unité deviennent le petit nombre. Ils sont en grand nombre, mais dans l’unité, et tant qu’ils ne se séparent point de l’unité. Dès lors, en effet, qu’ils n’appartiennent plus à l’unité qui est nombreuse, le schisme et l’hérésie les réduisent au petit nombre. « Et ils devinrent peu nombreux et furent accablés du poids des maux et de la douleur. Le mépris se répandit sur leurs princes ». Ils furent rejetés de l’Eglise de Dieu; et plus ils ont voulu être princes, plus ils sont couverts de mépris, et deviennent un sel affadi que l’on jette dehors, et que les hommes foulent aux pieds3. « Le mépris se répandit donc sur les princes; ils furent séduits dans la voie de l’erreur, et non dans la bonne voie4 ». Tout à l’heure, ils étaient dans la voie, ils étaient conduits à la cité, ils étaient conduits, et non séduits; ceux-ci, les voilà séduits hors de la voie. Qu’est-ce à dire, « séduits ? ». « Dieu les a livrés aux convoitises de leurs coeurs5 ». Tel est, en effet, le sens de séduire, se conduire soi-même. Car, à proprement parler, ce sont eux qui se séduisent. « Quiconque se croit quelque chose, se trompe u lui-même , attendu qu’il n’est rien6 ». Qu’est-ce à dire, dès lors que Dieu les séduisit? Il les laissa aller « dans une terre sans chemin, et non dans la voie ». Comment, en effet, seraient-ils dans la voie, ces hommes qui s’attachent à une partie et qui laissent le tout? Comment seraient-ils dans la voie? Qu’est-ce donc que la voie, et où peut-on reconnaître la voie? « Que Dieu », dit le Prophète, « nous prenne en pitié, qu’il nous bénisse, qu’il fasse rejaillir sur nous la lumière de sa face, afin que nous connaissions votre voie sur la terre ». Sur quelle terre? « Votre salut est dans tous les peuples7». C’est de là que sortent ces hommes qui sont ensuite réduits en petit nombre, et diminués en quelque sorte; ils sont sortis de cette multitude qui forme l’unité, selon cette parole que je viens de rapporter à leur sujet: « Ils sont sortis d’entre nous, mais ils n’étaient point des nôtres ; s’ils eussent été des nôtres, ils fussent assurément demeurés avec nous8». Mais s’ils sont des nôtres dans le secret de la prescience divine, il faudra qu’ils reviennent. Combien qui ne sont point des nôtres, et qui paraissent en être, et combien des nôtres, qui semblent néanmoins être dehors! « Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent9 ». Ceux qui ne sont point des nôtres, bien qu’ils soient avec nous, s’en vont à la première occasion, et les nôtres qui sont dehors, reviennent quand l’occasion se présente. Ecoutez donc ce que voulait alors le Seigneur dans le sens de ces paroles : « Il les a séduits dans une terre sans chemin, et non dans la voie ». Qu’en a fait le Seigneur? Ce que j’avais dit tout d’abord, ce que vous devez écouter avec attention. Il pouvait les laisser avec nous jusqu’à la fin, mais alors ils n’eussent été pour nous d’aucun profit : or, dès qu’ils sont séparés de nous, et qu’ils nous troublent par des questions artificieuses, alors ils deviennent pour nous un aiguillon dans la recherche de la vérité, et un exemple de ce qu’il nous faut craindre. Chacun tremble quand il voit un homme tomber dans le schisme, car une telle chute semble lui dire: « Que celui qui se croit debout prenne garde à sa chute10 ». Ceux qui se séparent dc nous ont donc leur utilité; car s’ils demeuraient avec nous, et avec cette malice, ils ne nous serviraient de rien. Aussi, qu’est-il dit à leur sujet dans un autre psaume? « C’est une assemblée de taureaux», ou d’hommes à la tête haute , d’hommes orgueilleux ; « une assemblée de taureaux parmi les vaches des peuples ». Par ces vaches des peuples, il faut entendre des âmes faciles à séduire, qui se laissent gagner par la séduction des taureaux. Mais pourquoi en est-il ainsi? « Afin que l’on sépare ceux qui ont été éprouvés par l’argent11 ». Qu’est-ce à dite « que l’on sépare? » Afin qu’ils apparaissent, qu’ils soient en relief, ceux qui sont à l’épreuve de la parole de Dieu. Quand, en effet, la nécessité force de répondre aux hérétiques, il en résulte une utilité pour l’édification des catholiques. Telle est la pensée exprimée par saint Paul: « Il faute, dit-il, « des hérésies, afin que les hommes d’une vertu éprouvée soient mis en évidence12 ». Il faut donc qu’il y ait des taureaux séducteurs, « afin que ceux qui sont éprouvés par l’argent » soient mis en évidence, c’est-à-dire, « soient exclus», ou hors ligne. Qu’est-ce à dire, «ceux qui sont éprouvés par l’argent?» « Les paroles du Seigneur sont des paroles chastes; c’est un argent que le feu a séparé de la terre, a purifié sept fois13». Quiconque dès lors est éprouvé par cet argent, c’est-à-dire par cette parole du Seigneur, ne peut briller de l’éclat de cet argent, qu’à la condition d’être harcelé par les questions des hérétiques. Et ici, redoublez d’attention, car le Prophète ne l’a point omis. « Voilà que la honte se répandit sur les princes », ou sur ces taureaux. D’où leur venait cette honte? De ce qu’ils annonçaient un autre évangile. Qu’est-ce à dire, couverts de honte ? Frappés d’anathème. « Quiconque vous annoncera un évangile autre que celui que nous avons annoncé, qu’il soit anathème14 ». Quoi de plus méprisé qu’un sel affadi15, que l’on jette au dehors et que l’on foule aux pieds? Et voyez s’ils ne sont pas réellement des princes, écoutez l’Apôtre lui-même. « Quand nous vous annoncerions, ou qu’un ange venu du ciel vous annoncerait un évangile autre que celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème ». Ce sont des princes, diras-tu, des savants, des grands, des pierres précieuses. Que vas-tu ajouter encore? Sont-ils des anges? Et pourtant, « quand même un ange vous annoncerait un évangile autre que celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème ». Car le diable est tombé du ciel, tout ange qu’il était. « Le mépris s’est répandu sur les princes, et Dieu a secouru le pauvre dans son indigence16». Qu’est-ce à dire, mes frères, que les princes ont été couverts de mépris et les pauvres secourus? Les orgueilleux sont tombés dans l’abjection et les humbles élevés en gloire. Telle est l’oeuvre de Dieu ; et, en agissant ainsi, « il a secouru le pauvre dans son indigence ». Car celui-ci est un mendiant qui ne s’attribue rien à lui-même, qui espère tout de la miséricorde divine, qui crie devant la porte de son Seigneur, qui est nu et tremblant, demandant à être vêtu, qui tient les yeux baissés vers la terre, battant sa poitrine. C’est ce mendiant, ce pauvre, cet homme humble, que Dieu a principalement soutenu, même par la séparation des hérétiques, lesquels ont été diminués, accablés de vexations, séduits dans des terres sans chemin, et non dans la bonne voie. Mais après que ces hommes ont été retranchés, séduits, amoindris, qu’est-il arrivé au pauvre que Dieu secourait? « Il a multiplié leurs familles comme des troupeaux ». Parce que le Psalmiste disait : « Il a secouru le pauvre dans son indigence » ; tu comprenais qu’il n’y avait qu’un seul pauvre, qu’un seul mendiant; et voilà que ce pauvre devient plusieurs familles, devient plusieurs peuples; et toutefois , plusieurs églises ne forment qu’une Eglise, qu’un seul peuple, qu’une seule famille, qu’un seul bercail. « Il a multiplié leurs familles comme des troupeaux ». Ces mystères sont grands, mes frères , ces sacrements sont grands quelle profondeur, quelles vérités cachées! Quelle joie de les découvrir, parce qu’elles ont été longtemps cachées! Donc : « Les hommes droits verront et seront dans la joie, et toute iniquité fermera la bouche17 ». Cette iniquité qui ose railler l’unité, qui nous contraint à publier la vérité, sera enfin convaincue et réduite au silence.


  1. Ps. CVI, 39. ↩

  2. II Tim. III, 2. ↩

  3. Matth. V, 13.  ↩

  4. Ps, CVI, 40. ↩

  5. Rom. I, 21.  ↩

  6. Gal, VI, 3. ↩

  7. Ps. LXVI, 2, 3. ↩

  8. I Jean, II, 19, ↩

  9. II Tim. II, 19. ↩

  10. I Cor. X ,12. ↩

  11. Ps. LXVII, 31. ↩

  12. I Cor. XI,19. ↩

  13. Ps. XI, 7. ↩

  14. Gal. 1,9.  ↩

  15. Matth. V,13.  ↩

  16. Ps. CVI, 41. ↩

  17. Ps. CVI, 42.  ↩

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