5.
Mais après avoir dit: « Au lieu de m’aimer, ils me calomniaient », qu’est-ce que le Prophète ajoute ? « Et moi, je priais1». Il n’indique point l’objet de sa prière; mais quel objet plus digne pouvons-nous assigner, sinon qu’il priait pour eux? Ils calomniaient surtout le crucifié, quand ils l’accablaient d’outrages comme un homme qu’ils eussent vaincu; et c’est du haut de cette croix qu’il dit: « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font2», En sorte que, des profondeurs de la malice, ils lui rendaient le mal pour le bien; et lui, au comble de la bonté, leur rendait le bien pour le mal. On pourrait entendre aussi qu’il priait pour ses disciples, ce qu’il dit avoir fait avant sa passion, afin que leur foi ne vînt pas à défaillir3, quand, sur la croix, il nous donnait un modèle de patience, et ne montrait point son pouvoir au milieu des outrages de ceux qu’il pouvait anéantir dans sa souveraine puissance. Mais, nous donner l’exemple de la patience, était plus utile pour nous, que de perdre à l’instant ces ennemis, et nous porter à nous venger sans délai le ceux qui nous nuisent; car il est écrit: « L’homme patient est préférable à l’homme courageux4». L’Ecriture donc, et l’exemple de Jésus-Christ qui nous dit : « Au lieu de m’aimer, ils me calomniaient; et moi, je priais », nous enseignent à prier, quand nous rencontrons des ingrats, non-seulement qui ne rendent pas le bien, mais qui rendent le mal pour le bien. Car il a lui-même prié pour ceux qui le tourmentaient, pour ceux qui pleuraient sur lui, et qui chancelaient dans la foi ; mais nous, prions d’abord pour nous, afin que par la miséricorde et le secours de Dieu, nous puissions vaincre notre caractère qui nous porte au désir de la vengeance, quand on nous calomnie, soit devant nous, soit en notre absence. Dès que la patience du Christ nous revient en mémoire, on dirait que c’est lui qui s’éveille, comme il arriva quand il dormait dans le vaisseau5; qui apaise le trouble et l’orage de notre coeur, afin que notre âme étant rétablie dans le calme et dans la paix, nous puissions prier pour nos détracteurs, et dire en toute sécurité: u Pardonnez-nous comme nous pardonnons6 ». Mais lui, qui pardonnait, n’avait aucune faute, dont il dût obtenir le pardon.