8.
« Asseyez-vous », non-seulement sur une éminence, mais aussi dans le secret: en haut pour la domination, dans le secret pour stimuler la foi. Quelle récompense mériterait la foi, si l’objet de la foi n’était caché? Or, la récompense de la foi sera de voir celui en qui nous avons cru avant de le voir. Mais, comme l’a dit l’Ecriture : « Le juste vit de la foi1». Il n’y aurait donc aucune justice dans la foi, si l’objet que l’on nous prêche et que nous croyons n’était invisible, et si la foi ne nous méritait de le voir. « Quelle ineffable douceur, ô mon Dieu, vous avez cachée pour « ceux qui vous craignent! » Donc vous l’avez cachée, en sont-ils demeurés privés? Loin de là, « elle est parfaite pour ceux qui espèrent en vous2 ». Ce mystère admirable du Christ, assis à la droite de Dieu, a donc été caché afin d’être l’objet de la foi; il nous a été dérobé afin de stimuler notre espérance. « Nous sommes, en effet, sauvés par l’espérance. Or, l’espérance que l’on voit n’est pas une espérance ; comment espérer ce que l’on voit? » Ainsi, dit l’Apôtre, vous le connaissez, je vous le rappelle seulement. Que dit donc l’Apôtre? « C’est l’espérance qui nous sauve »,dit-il; «or, l’espérance qu’on verrait ne serait pas une espérance. Comment espérer ce que l’on voit déjà? Si nous espérons ce que nous n’avons pas encore, nous l’attendons par la patience3 ». Comme donc l’espérance qu’on verrait ne serait plus espérance, «Vous avez caché votre douceur à ceux qui vous craignent. Car nous espérons ce que nous ne voyons pas, et nous l’attendons par la patience: vous l’avez rendue parfaite pour ceux qui vous craignent». Enfin, mes frères, écoutez attentivement ce que je vais vous dire : c’est que notre justice nous vient de la foi, que la foi purifie nos coeurs, afin que nous puissions voir ce que nous aurons cru. L’un et l’autre nous est enseigné : « Bienheureux les coeurs purs, parce qu’ils verront Dieu4 » ; et encore: « C’est par la foi qu’il purifie leurs coeurs5 ». Comme donc la justice de la foi consiste à croire ce que l’on ne voit pas, afin que le mérite de la foi nous conduise à la claire vue quand le temps sera venu : le Seigneur, en promettant l’Esprit-Saint, nous dit dans l’Evangile : « Il convaincra le monde de péché, de justice et de jugement6». De quel péché? de quelle justice? de quel jugement?
Le Seigneur nous l’explique aussitôt, et n’admet point les conjectures des hommes. « Du péché», dit-il, « parce qu’ils n’ont point cru en moi7 ». Combien d’autres péchés avaient encore les Juifs? Et néanmoins, comme s’ils n’avaient que celui-là, le Seigneur dit qu’«il les convaincra de péché, parce qu’ils n’ont pas cru en lui ». Tel est le péché dont il a dit ailleurs : « Si je n’étais pas venu, ils n’auraient aucune faute8».Qu’est-ce à dire : « Si je n’étais pas venu, ils n’auraient aucune faute?» En venant donc vers les justes, ô Dieu, en avez-vous fait des pécheurs? Le Seigneur semble ici omettre tous les péchés dont on peut obtenir la rémission par la foi, et ne désigne que ce péché, sans lequel tous les autres seraient remis. «De péché », nous dit-il, « parce qu’ils n’ont pas cru en moi ». Et ailleurs: « Si je n’étais pas venu, ils n’auraient aucun péché ». Par cela même qu’il est venu, en effet, et qu’ils n’ont point cru en lui, ils sont tombés dans le péché; et s’ils n’étaient tombés dans ce péché, tous les autres eussent pu leur être pardonnés, effacés par ce pardon que leur eût obtenu la foi. « De péché donc, parce qu’ils n’ont pas cru en moi; de la justice, parce que je vais à mon Père, et que désormais vous ne me verrez plus9 ». Telle est donc la justice, ô Dieu, que vous alliez à votre Père , et que désormais vos disciples ne vous verront plus. Telle est la justice qui vient de la foi. « Car c’est de la foi que vit le juste10 »; et il vit de la foi, précisément quand il ne voit point ce qu’il croit. Comme donc c’est la vie de la foi qui nous justifie, et que nul ne vit de la foi que quand il ne voit point ce qu’il croit; afin de former cette justice parmi les hommes, c’est-à-dire de les porter à croire ce qu’ils ne voient point, le Saint-Esprit, dit le Sauveur, convaincra les hotu mes de la justice, « parce que je vais à mon Père, et que désormais vous ne me verrez plus ». Comme s’il disait: La justice pour vous consistera à croire en Celui que vous ne voyez point, afin que, purifiés par la foi, vous puissiez voir au jour de la résurrection celui en qui vous croyez.