6.
Après avoir dit : « Dans votre loi, ayez pitié de moi », il semble prendre acte, si l’on peut s’exprimer ainsi, des bienfaits du Seigneur, pour obtenir de lui d’autres grâces qu’il n’a point encore. « J’ai choisi », dit-il, « la voie de la vérité ; je n’ai point oublié vos jugements. Je me suis attaché à vos témoignages, ne me couvrez point de confusion. J’ai choisi la voie de la vérité », afin d’y courir: « Je me suis attaché à vos témoignages », tandis que j’y courais: « Seigneur, ne me couvrez point de confusion1» : que je m’avance vers mon but, que j’y arrive enfin; car le tout ne dépend ni de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu, qui fait miséricorde2. Enfin : « J’ai couru dans la voie de vos commandements », dit le Prophète, « lorsque vous avez dilaté mon coeur3 ». Je ne pourrais courir, si vous n’aviez dilaté mon coeur. Ce verset nous explique très-bien ce qui est dit plus haut: « J’ai choisi la voie de la vérité, je n’ai point oublié vos jugements, je me suis attaché à vos témoignages ». Telle est en effet la marche dans la voie des commandements de Dieu. Et comme l’interlocuteur fait valoir auprès de Dieu les bienfaits qu’il a reçus de lui plutôt que ses propres mérites, comme si on lui disait: Comment as-tu pu courir dans cette voie, la choisir, ne pas oublier les jugements de Dieu, et t’attacher à ses témoignages? L’as-tu pu par toi-même? Non, répond-il. Comment donc? « J’ai couru dans la voie de vos préceptes », nous dit-il, « parce que vous avez dilaté mon coeur ». Ce n’est donc point par ma propre volonté, et sans aucun besoin de votre secours; mais quand il vous a plu de « dilater mon coeur ». Cette dilatation du coeur, c’est la joie dans les oeuvres de justice; et cette joie est un don de Dieu, qui nous fait observer ses préceptes, non dans les angoisses de la crainte, mais dans le délicieux amour de la justice. Et telle est la dilatation du coeur que Dieu nous promet, quand il dit: « J’habiterai en eux, je marcherai au milieu d’eux4 ». Combien on doit être au large où. Dieu se promène ! C’est dans cette latitude que la charité se répand dans nos coeurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné5. De là cette parole de l’Ecriture : « Que vos eaux coulent dans vos places publiques6 ». Le mot place publique, ou platea, vient d’un mot grec exprimant l’étendue; car platu, en grec, signifie large. C’est au sujet de ces eaux que le Seigneur s’écrie: « Qu’il vienne à moi celui qui a soif. Si quelqu’un croit en moi, des fleuves d’eau vive jailliront de ses entrailles7 » ; et l’Evangéliste nous donne cette explication: « Il parlait ainsi à propos de l’Esprit-Saint, que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui ». On pourrait discourir longuement à propos de cette dilatation du coeur, mais je m’aperçois que ce discours est déjà bien long.