1.
Cherchons, si Dieu nous fait la grâce de le trouver, comment il nous faut comprendre dans ce long psaume ce qui est dit de « ceux qui ont violé», ou plutôt de ceux qui « violent la loi », car le grec porte parabainontas, au participe présent, et non parabatas, au passé. Nous cherchons donc la manière de comprendre : « J’ai regardé comme prévariquant tous les pécheurs de la terre ». L’Apôtre nous dit : « Où n’est pas la loi, il n’y a point de prévarication ». Mais il parlait ainsi pour établir une distinction entre la loi et les promesses. Pour rétablir en effet le sens plus complet d’après ce qui précède : « Ce n’est point par la loi », dit-il, « mais par la justice de la foi, que s’accomplit la promesse faite à Abraham, ou à sa postérité, d’avoir le monde pour héritage. En effet, si ceux qui appartiennent à la loi sont les héritiers, la foi devient vaine, et les promesses sont abolies. Parce que la loi produit la colère, où n’est pas la loi, il n’y a point de prévarication. Ainsi c’est par la foi que nous sommes héritiers, afin que nous le soyons par la grâce, et que la promesse demeure ferme pour toute la postérité d’Abraham, non-seulement pour ceux qui ont reçu la loi, mais encore pour ceux qui suivent la foi d’Abraham, le père de nous tous1». Pourquoi ce langage de l’Apôtre, sinon pour nous montrer que sans la promesse de la grâce, non-seulement la loi n’ôte point le péché, mais ne fait que l’augmenter? De là cet autre mot de saint Paul: « La loi est entrée, en sorte que le péché a abondé2 ». Mais comme la grâce nous remet toutes nos fautes, non-seulement celles que l’on a commises sans la loi, mais aussi celles que l’on a commises avec la loi, l’Apôtre ajoute : « Mais où le péché a abondé, a surabondé la grâce». L’Apôtre n’appelle donc pas prévaricateurs tous les pécheurs, mais il ne donne ce nom de prévaricateurs qu’aux violateurs de la loi. « Là où n’est pas la loi, il n’y a point de prévarication ». D’où il suit que, d’après l’Apôtre, tout prévaricateur est un pécheur, puisqu’il pèche contre la loi qu’il a reçue; mais tout pécheur n’est pas prévaricateur, puisqu’il en est qui pèchent sans la loi : « Or, où n’est pas la loi, il n’y a point de prévarication ». Mais si nul ne péchait sans la loi, l’Apôtre ne dirait point: « Quiconque a péché sans la loi, périra sans la loi ». Si donc, selon notre psaume, tous les pécheurs de la terre sont prévaricateurs, il n’est aucun péché sans prévarication; or, il n’y a point de prévarication sans la loi, donc il n’est aucun péché sans la loi. Celui donc qui dit ici: « J’ai regardé comme prévaricateurs tous les pécheurs de la terre » , ne veut sans doute regarder comme pécheurs que ceux qui ont transgressé la loi, et il est en désaccord avec celui qui a dit : « Ceux qui ont péché sans la loi périront sans la loi ? ». Car selon lui il en est qui sont pécheurs sans être prévaricateurs, c’est-à dire qui ont péché sans la loi : « Où n’est pas la loi, il n’y a point de prévarication » ; et selon le Psalmiste, il n’est aucun pécheur sans prévarication, puisqu’il regarde comme prévaricateurs tous les pécheurs de la terre. Donc, selon lui, nul n’a péché sans la loi, car: « Où n’est ias la loi, il n’y a point de prévarication » . Nous faudra-t-il dire qu’à la vérité sans loi il n’y a pas de prévarication, mais qu’il n’est pas vrai que plusieurs aient péché sans loi; ou bien, qu’il est vrai que plusieurs ont péché sans loi, mais qu’il n’est pas vrai qu’il n’y ait pas de prévarication là où n’est pas la loi? Mais l’Apôtre a dit l’un et l’autre, donc l’un et l’autre sont vrais, puisque c’est la Vérité qui le dit par sa bouche. Comment donc sera vrai ce que la même Vérité nous dit indubitablement dans ce psaume: « J’ai regardé comme prévaricateurs tous les pécheurs de la terre ? ».Car on nous répondra: Quels sont donc ceux qui, selon l’Apôtre, ont péché sans la loi? Puisque l’on ne saurait mettre aucun d’eux au rang des prévaricateurs; car, selon le même Apôtre, il n’y a pas de prévarication où n’est pas la loi.