6.
« Quand leur fureur s’allumait contre nous ». Vous savez, mes frères, que dans un des psaumes précédents, à l’entrée même de ces cantiques des degrés, un homme, qui commençait à monter, demandait du secours contre la langue trompeuse, et s’écriait : « Seigneur, délivrez mon âme des lèvres injustes et de la langue trompeuse1 ». Quand un homme, en effet, commence à s’élever et à faire des progrès, au premier pas il rencontre les langues trompeuses, caressantes pour le perdre, caressantes pour lui persuader le mal:
Que fais-tu, lui dit-on? Pourquoi vivre de la sorte? Ne peut-on vivre autrement? Ne peut-on autrement servir Dieu? Tu es le seul pour vouloir être ce que les autres ne sont point. Mais si tu en trouves pour vivre comme toi, que dit alors cette langue flatteuse et fourbe? Ceux-là ont pu, il est vrai; mais toi, pourras-tu? Tu entreprends pour abandonner ensuite; mieux vaudrait ne rien entreprendre, que perdre courage après avoir commencé. Langue trompeuse, et flatteuse jusque-là. Mais si la fermeté vient à déjouer ses flatteries artificieuses, elle prend le ton de la violence ouverte : elle te flattait pour te séduire , elle va menacer pour t’entraver. Mais site Seigneur est en toi, si dans ton coeur tu n’as pas abandonné le Christ, de même que tu as vaincu les langues trompeuses,avec tes flèches aiguës, tes charbons dévorants, c’est-à-dire par les paroles de Dieu qui avaient transpercé lori coeur, par les exemples des justes qui, de la mort sont revenus à la vie, du péché à la justice, comme des charbons éteints qui se rallument : de même qu’au moyen de flèches et de charbons dévorants tu as pu vaincre ces trompeurs séduisants, ces flatteurs artificieux, de même tu vaincras ces hommes violents, qui ont recours à la menace après avoir échoué dans les séductions. Vaincus dans leurs flatteries, qu’ils soient aussi vaincus dans leurs menaces. Mais comment les vaincre, « si le Seigneur n’est avec nous?» Evidemment ce n’est point toi qui peux vaincre, mais Celui qui est en toi. Tu portes dans ton cœur un tel capitaine, et tu serais vaincu ? N’est-ce point Celui qui est en toi qui a dit : « J’ai vaincu le monde2? » N’a-t-il pas le premier vaincu le diable en mourant, parce qu’il était toujours supérieur à toute créature, puisque le Verbe est Dieu en Dieu? Pourquoi cette victoire, sinon pour t’apprendre à combattre le diable? Et néanmoins, bien que tu saches déjà, tu seras vaincu si tu n’as en toi Celui qui le premier a vaincu pour toi. « Si le Seigneur n’eût,été avec nous, quand les hommes se soulevaient contre nous, peut-être nous eussent-ils dévorés tout vivants. Quand leur colère s’allumait contre nous » ; voilà des colères, des violences ouvertes. « Peut-être l’eau nous eût-elle submergés3 ». Cette eau désigne les peuples pécheurs; la suite va nous montrer quelles sont ces eaux, car elles eussent englouti quiconque aurait consenti aux suggestions des hommes. Il fût mort comme les Egyptiens sans pouvoir traverser comme les Israélites. Vous savez, mes frères, que le peuple d’Israël traversa les eaux, et que ces mêmes eaux engloutirent le peuple égyptien4. «L’eau nous eût engloutis », dit le Prophète.