9.
Le Psalmiste, mes frères, a donc raison de dire avec cette humilité : « Seigneur, moi coeur ne s’est point enorgueilli, mes yeux ne se sont point élevés, je n’ai point marché dans les hauteurs, ni dans ces merveilles qui me surpassent. Si je n’ai point eu des sentiments d’humilité, si j’ai laissé mon âme s’enorgueillir, que mon âme soit traitée comme l’enfant que l’on sèvre dans les bras de sa mère1». Il semble se lier par des imprécations. De même qu’il est dit dans un autre psaume : « Seigneur mon Dieu, si j’ai agi de la sorte, si l’iniquité est dans mes mains, si j’ai rendu le mal pour le mal, que je succombe avec justice devant mes ennemis2»,et le reste;ainsi semble-t-il dire maintenant : « Si je n’ai point eu de sentiments d’humilité, et si j’ai laissé mon âme s’enorgueillir » ; comme s’il devait ajouter : Que tel châtiment tombe sur moi.
Là il est dit encore : « Si j’ai rendu le mal pour le mal », que ce malheur m’arrive. Quel malheur? « Que je succombe en face de mes ennemis » ; ainsi est-il dit dans notre psaume : « Si je n’ai point eu des sentiments d’humilité, si j’ai au contraire élevé mon âme, que celte âme soit châtiée, comme l’enfant que l’on sèvre dans les bras de sa mère ». Ecoutez ceci, mes frères. Vous savez à quels infirmes s’adresse la parole de l’Apôtre. « Je vous ai donné du lait, et non une nourriture solide; car vous ne pouviez la supporter, et maintenant même, vous ne le pouvez pas3 ». II y a des faibles, qui ne sont point capables d’une solide nourriture, et qui néanmoins veulent arriver à ce qui dépasse leurs forces. S’ils parviennent à saisir quelque chose, ou même s’ils se persuadent qu’ils ont saisi ce qu’ils n’ont pu atteindre, les voilà qui s’élèvent, qui s’enorgueillissent, qui se croient pleins de sagesse. C’est là ce qui est arrivé à tous les hérétiques; en eux l’homme animal et charnel a défendu des opinions perverses dont ils ne pouvaient voir la fausseté; et ils ont été chassés de l’Eglise catholique. Je m’en expliquerai autant que possible avec votre charité. Vous savez que Notre-Seigneur Jésus-Christ est le Verbe de Dieu, selon cette parole de saint Jean : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Voilà ce qui était en Dieu au commencement. Tout a été fait par lui, et rien n’a été fait sans lui4 ». C’est donc là le pain solide, le pain des anges. Voilà le pair préparé pour toi; mais prends de l’accroisse ment avec du lait, afin d’arriver à ce pair solide. Et comment, diras-tu, le lait va-t-il me donner de l’accroissement? Commence par croire ce que Jésus-Christ s’est fait afin de s’accommoder à ta faiblesse, et tiens-y fermement. Considère une mère voyant son fils peu capable d’une nourriture solide, elle lui donne cette nourriture à la vérité, mais en la faisant passer par sa propre chair: car le pain qui nourrit l’enfant est celui-là même qui a nourri la mère; mais l’enfant, incapable de manger à table, peut se nourrir à la mamelle; le pain donc passe par les mamelles de la mère, et devient ainsi l’alimentation de l’enfant. Ainsi a fait Notre-Seigneur Jésus-Christ, Verbe en son Père, lui par qui tout n été fait, lui qui, ayant la nature de Dieu, n’a point cru que ce fût pour lui une usurpation de se dire égal à Dieu5 , et, comme tel, nourriture des anges, autant qu’ils en sont capables, aliment des Vertus, des Puissances, des Esprits bienheureux. Mais l’homme était infirme, enveloppé dans la chair et gisant sur la terre, et la nourriture céleste ne pouvait descendre jusqu’à lui. Dès lors, afin que l’homme pût manger le pain des anges, et que la manne descendît chez un peuple qui est véritablement Israël6, voilà que, « le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous7 ».