3.
Mais quel est l’interlocuteur, et à qui s’adresse-t-il ? Que dirons-nous, mes frères? Est-ce la chair qui dit: « Bénis le Seigneur, « Ô mon âme? » 1 La chair peut-elle donner à l’âme un conseil aussi salutaire? Quelque soumise qu’elle soit, à quelque servitude que nous l’ayons réduite par les forces qui nous viennent de Dieu; dût-elle nous obéir comme l’esclave le plus docile; c’est beaucoup déjà qu’elle ne nous soit point un obstacle. Ensuite, mes frères, on ne demande conseil qu’aux plus parfaits. Notre âme est bonne sans doute, notre chair est bonne, puisque l’une et l’autre sont l’ouvrage de celui qui a bien t’ait toutes choses2. Quoique ces deux substances soient bonnes chacune en son genre, l’Apôtre a dit néanmoins : « Le corps est mort à cause du péché3 ». Sans doute ce corps sera tel un jour que Dieu nous l’a promis; mais il ne l’est pas encore, et nous nous réjouissons dans l’espérance qu’un jour il sera racheté, selon cette parole de l’Apôtre: « Nous gémissons en nous-mêmes, dans l’attente de l’adoption, qui sera la délivrance de notre corps. Car nous sommes sauvés par l’espérance. Mais l’espérance qui verrait ne serait plus l’espérance; comment espérer ce que l’on voit? Si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons par la patience4». Bien que notre corps soit bon en lui-même ; néanmoins, tant qu’il est mortel à cause du péché, tant qu’il est dans l’indigence, tant qu’il est assujetti à la corruption et au changement, de manière à n’avoir en lui-même aucune consistance, assurément nous avons lieu d’en désirer la rédemption, qui le tirera de cette misère. Mais comment doit-il être un jour? Tel que l’Apôtre nous l’adit quelque part : « Il faut que ce corps corruptible soit revêtu d’incorruption, et que ce corps mortel soit revêtu d’immortalité5». Mais notre corps fût-il déjà un corps céleste et spirituel, un corps angélique et dans la société des anges, il ne pourrait même, en cet état, donner des avis à notre âme. Car le corps, dès lors qu’il est corps, est inférieur à l’âme, et l’âme la plus vile est toujours supérieure au corps le plus excellent.