9.
Jusque-là, c’est bien. Tu béniras le Seigneur pendant ta vie ; tant que tu es ici-bas, tu chanteras ton avenir en Dieu. C’est bien attends de lui ce qui peut donner la confiance. Que l’espérance ne vous abandonne point dans ce lieu d’exil et d’épreuves, dans ces pièges et ces perfidies de notre ennemi, dans ces épreuves que le monde soulève comme des orages, dans ces labeurs et ces amertumes qui nous environnent de toutes parts. Que ferons-nous donc? Ecoute ce qui suit : « Ne mettez point votre confiance dans les princes ». Voilà, mes frères, une parole importante, c’est une parole divine, et qui vient d’en haut. Ici-bas, en effet, a’i milieu de nos faiblesses, l’âme, en butte à la tribulation, en vient à désespérer de Dieu et cherche à s’appuyer sur les hommes. Disons à l’homme que poursuit le malheur : Il est un homme puissant qui pourrait vous délivrer ; le voilà qui sourit, qui tressaille, qui se. redresse. Dites-lui : Voilà que Dieu va vous délivrer; et le voilà glacé par le désespoir. Le secours d’un mortel que l’on te promet te fait tressaillir de joie, et le secours de l’immortel t’attristera ? On te promet la délivrance par celui qui a besoin d’être délivré, et lu en ressens de la joie comme d’un grand secours; on te promet le secours de Celui qui est le libérateur, qui n’a aucun besoin de délivrance, et cette promesse te parait une fable. Malheur à ces pensées injustes, qui nous éloignent de Dieu, pensées qui sont la désolation, la mort la plus épouvantable. Approche donc, ô mon frère, commence à désirer, commence à chercher, commence à connaître celui qui t’a fait. Il n’abandonnera point son oeuvre, si son oeuvre ne l’abandonne point. Tourne- toi donc vers ce Dieu à qui tu as dit: « Je louerai le Seigneur pendant ma vie, je chanterai le Seigneur tant que je suis». Plein de l’esprit d’en haut, le Prophète nous avertit; et comme on ferait à des hommes éloignés, à des hommes égarés, et qui, loin de vouloir bénir le Seigneur, ne veulent même point espérer en lui, le Prophète nous crie : « Ne mettez point votre confiance dans les princes, dans les enfants des hommes, en qui n’est point le salut1». Le salut n’est que dans le Fils de l’homme , et non parce qu’il est fils de l’homme, mais parce qu’il est le Fils de Dieu; non parce qu’il a pris de toi, mais parce qu’il a conservé en lui-même. Nul homme donc n’a le salut, puisque le salut est dans le fils de l’homme précisément parce qu’il est « Dieu, et Dieu béni dans tous les siècles ».Il est dit du Christ qu’il est né d’eux selon la chair2. De qui ? Des Juifs; c’est de nos pères que le Christ est né selon la chair. Mais cequi est né selon la chair, est-ce là tout le Christ? Non, car ce n’est point selon la chair qu’il est par-dessus tout le Dieu béni dans tous les siècles. C’est pour cela qu’il est le salut, puisque le salut appartient au Seigneur. Nous lisons, en effet, dans un autre psaume: « Le salut vient du Seigneur, et votre bénédiction sera sur votre peuple3 ». C’est donc vainement que les hommes s’attribuent le pouvoir de sauver. Qu’ils se sauvent, s’ils le peuvent. Réponds à cet orgueilleux: Dire que tu me donneras le salut, c’est te glorifier; commence par te sauver, et vois si le salut est en toi. En considérant avec attention ta propre faiblesse, tu vois que tu ne l’as pas encore. Ne dis donc plus que j’aie à l’attendre de loi, mais, plutôt, attends avec moi ce salut. « Ne mettez point votre confiance dans les princes, et dans les fils des hommes, en qui n’est pas le salut». Voici venir, je ne sais d’où, certains princes qui nous disent: Moi je baptise, et tout ce que je donnerai, c’est ce qui est saint ; ce que vous avez reçu d’un autre n’est rien, ce qui vient de moi, au contraire, est quelque chose. O homme, ô prince, veux-tu être de ces enfants des hommes, de ces princes en qui n’est pas le salut? J’ai donc le salut, précisément parce que c’est toi qui me le donnes? Ce que tu donnes est-il à toi? Et même est-ce bien toi qui le donnes? Peut-on même dire que tu le donnes ? Que le canal dise alors que c’est lui qui donne l’eau; que le tuyau dise que c’est lui-même qui coule; que le héraut dise que c’est lui qui fait grâce. Pour moi, dans l’eau j’envisage la source, et dans la voix du héraut je reconnais le juge. Tu ne seras donc point l’auteur de mon salut. Il le sera, celui qui me donne pleine assurance; et je ne suis point sûr de toi. Et si tu n’es orgueilleux, je ne suis point seul pour douter de toi, tu en doutes avec moi.
Donc le salut me vient de celui qui est pardessus tout, puisque le salut vient du Seigneur. Toi, je te rencontre parmi les enfants des hommes, parmi les princes, et j’entends la voix du psaume: « Ne mettez point votre confiance dans les princes, dans les fils des hommes, en qui n’est point le salut ».