13.
C’est quand tu feras miséricorde, et particulièrement celle ci que l’on fait gratuitement : « Remettez-nous, comme nous remettons1» ; et où l’on ne fait d’autre dépense que celle de la charité, laquelle s’accroît à proportion qu’on la dépense; c’est, dis-je, quand tu feras avec ferveur des oeuvres de miséricorde, bonnes oeuvres, avons-nous dit, qui ne seront plus nécessaires dans l’autre vie, puisqu’il n’y aura plus aucun malheureux à qui l’on puisse faire miséricorde2, c’est alors que tu attendras en toute sécurité le jugement, non pas dans la sécurité de la justice, mais dans la sécurité de la divine miséricorde, puisque toi-même auras été miséricordieux. « Le jugement sera sans miséricorde pour celui qui n’aura point fait miséricorde. Et la miséricorde», ajoute le même Apôtre, «l’emporte sur le jugement3 ». Gardez-vous de croire, mes frères, que le Seigneur n’est point juste, ou qu’il s’écarte de la justice, quand il n’a point pitié de nous. Il est juste quand il nous damne, et juste encore quand il nous prend en pitié. Quoi de plus juste de faire miséricorde à celui qui l’implore ? Quoi de plus juste aussi, que d’user envers nous de la mesure dont nous nous serons servis4? Donne à ton frère qui a faim. A quel frère? Au Christ. Si donc faire la charité à ton frère c’est la faire au Christ, et si le Christ est Dieu béni par-dessus tout dans les siècles5, c’est un Dieu qui a voulu avoir besoin de toi, et ta main se retire ? Tu tends la main à Dieu pour lui demander: écoute l’Ecriture : « Que ta main ne soit point ouverte pour recevoir, et fermée pour donner6 ». Dieu veut qu’on lui donne de ce qu’il a donné. Que pourrais-tu donner, en effet, qu’il ne t’aie point donné? « Qu’as-tu, que tu n’aies point reçu7 ? » Et même, sans parler de Dieu, à qui pourrais-tu donner de ce qui est à toi? Tu donnes de ce qui appartient à celui qui te commande de donner. Sois donc véritablement dispensateur, et non usurpateur. C’est en agissant de la sorte, et en disant avec humilité de cette huile: « De peur qu’il n’y en ait pas suffisamment pour nous8 », que tu entreras, et que la porte ne te sera point fermée. Ecoute ce mot de l’Apôtre : « Peu m’importe d’être jugé par vous9». Comment pourriez-vous, en effet, juger ma conscience? Comment verriez-vous l’intention qui me dirige dans toutes mes actions? Quel jugement les hommes peuvent-ils porter sur un autre homme? L’homme peut beaucoup mieux se juger, mais Dieu peut mieux encore juger l’homme, que l’homme ne peut se juger lui-même. Si donc tu es tel que nous disons, tu entreras, tu seras au nombre de ces cinq vierges, et les vierges folles seront exclues. C’est ce que nous dit l’Evangile ; la porte sera fermée, elles seront là, heurtant à cette porte et criant: « Ouvre-nous10 »; et on ne leur ouvrira point, parce « que le Seigneur a fortifié les barres de vos portes». Oui, dit le Prophète, il a fortifié les barres de tes portes, sois en toute sécurité, chante avec assurance, et chante sans fin. Tes portes sont solidement closes, nul ami ne sort, nul ennemi ne peut entrer. « Il a consolidé les barrières de tes portes».