9.
« Bienheureux ceux dont les fautes sont remises, et dont les péchés ont été couverts. Bienheureux l’homme à qui Dieu n’a point imputé son crime, et dont la bouche ne distille point la fraude1 ». Dès le commence-ment du psaume, nous en avons l’intelligence, et cette intelligence consiste à bien savoir que nous ne devons ni nous vanter de nos mérites, ni espérer témérairement l’impunité de nos fautes. Car voici le titre du psaume: « A David, intelligence ». C’est donc un psaume d’intelligence; et le premier effet de cette intelligence, c’est de te reconnaître pécheur. Le second effet, c’est de n’attribuer point à tes forces, mais à la grâce de Dieu, les bonnes oeuvres qui seront les premiers fruits de ta foi dans la charité2. C’est ainsi qu’il n’y aura aucun déguisement dans ton coeur, c’est-à-dire dans la bouche de l’homme intérieur, et tu n’auras point des paroles pour les lèvres, et des paroles pour le coeur. Tu ne ressembleras point aux Pharisiens dont il est dit « Vous êtes comme des sépulcres blanchis; au dehors, vous avez pour les hommes des apparences de justice; au dedans, vous êtes pleins de déguisement et de ruses3 ». Et en effet, le pécheur qui veut qu’on le regarde comme un juste, n’est-il pas un fourbe? Tel n’était pas Nathanaël dont le Sauveur a dit « Voilà un véritable Israélite, qui est sans déguisement4 ». Mais pourquoi n’y avait-il aucun déguisement dans Nathanaël? « Quand tu étais sous le figuier je te voyais5 ». Il était sous le figuier, c’est-à-dire sous la condition de la chair; et il était sous les conditions de la chair parce qu’il était dans l’impiété native. Il était sous ce figuier qui arrache au psalmiste ce gémissement : « Voilà que j’ai été conçu dans l’iniquité6 ». Mais il le vit Celui qui vint avec la grâce. Que dis-je, il le vit? il en eut pitié. Le Sauveur donc relève cet homme sans artifice, pour nous relever le prix de la grâce qui est en lui. « Je te voyais, quand tu étais sous le figuier ». Je t’ai vu, qu’y a-t-il là de si grand, si l’on n’y découvre quelque mystère? Qu’y a-t-il de si grand en effet à voir un homme sous un arbre? Si le Christ n’avait vu le genre humain sous ce figuier, ou bien nous serions entièrement desséchés, ou bien, non plus que chez ces Pharisiens, qui étaient fourbes, c’est-à-dire dont les paroles étaient justes et dont les actes étaient pervers, on ne trouverait chez nous que des feuilles et non des fruits. Le Christ en effet maudit et fit sécher le figuier qu’il trouva en cet état. Je ne vois, dit-il, que des feuilles, ou plutôt des paroles et aucun fruit: « Qu’il se dessèche donc entièrement et ne porte pas même de feuilles7 ». Pourquoi des paroles encore? Un arbre sec n’a même plus aucune feuille. Tels étaient les Juifs; cet arbre était les Pharisiens, qui avaient des paroles et non point des actes; l’arrêt du Seigneur les condamne à se dessécher. Que le Seigneur nous aperçoive donc sous le figuier : tant que nous sommes en cette vie, qu’il voie en nous le fruit des bonnes oeuvres, afin que sa malédiction ne nous fasse point dessécher. Et comme tout nous vient de sa grâce et non point de nos mérites
« Bienheureux ceux dont les iniquités sont remises, et dont les péchés sont couverts ». Non ceux chez qui l’on trouve des péchés, mais ceux dont les péchés sont couverts, dont les fautes sont cachées, effacées, anises en oubli. Si Dieu a effacé leurs péchés, il ne veut plus les voir; s’il ne veut plus les voir, il ne veut point les punir; s’il ne veut point les punir, il ne veut point les connaître, mais plutôt fermer les yeux sur eux. « Bienheureux ceux dont les fautes sont remises, dont les péchés sont couverts ». Si le Prophète a dit que ces péchés sont couverts, gardez-vous de croire que ces péchés soient encore existants et vivants. Pourquoi dit-il qu’ils sont couverts? parce qu’ils ne sont plus visibles. Car, en Dieu, voir le péché, n’est-ce point le punir? Et afin de nous faire comprendre que, pour Dieu, voie le péché c’est le punir que, lui dit le Prophète? «Détournez vos yeux de mon péché8 ». Qu’il ne voie donc plus tes péchés, afin de te voir toi-même. Comment te verra-t-il? Comme il vit Nathanaël : « Je t’ai vu, quand tu étais sous le figuier9 ». L’ombre du figuier n’est point impénétrable aux yeux de la divine miséricorde.