9.
« Car le Seigneur aime la justice, et il n’abandonnera point ses saints1 ». Quand les saints sont dans la peine , gardez-vous de croire que Dieu ne juge point les hommes, ou qu’il les juge sans équité. Celui qui t’avertit de juger avec justice, pourrait-il juger d’une manière perverse? « Il aime donc la justice et n’abandonne point ses saints». Mais il agit de manière que la vie des saints soit cachée en lui, et que tous ceux qui souffrent sur la terre soient comme des arbres que l’hiver a dépouillés de leurs fruits et de leur feuillage; mais, quand il apparaîtra comme un soleil nouveau, ils montreront par des fruits la vie qu’ils conservaient dans leur racine. « Il aime donc la justice et n’abandonnera point ses saints ». Mais ce saint souffre de la faim? Dieu ne l’abandonnera pas, « lui qui afflige celui qu’il reçoit au nombre de ses enfants2 ». Tu le méprises quand il est dans la peine, tu seras dans la stupeur à la vue de ses richesses. D’où lui vient sa peine? Des maux passagers. Quand sera-t-il dans les richesses? Quand il entendra: « Venez, bénis de mon Père, possédez le royaume qui vous est préparé dès l’origine du monde3 ». Ne recule donc point devant la peine, afin d’être parmi ceux qui méritent d’être admis. Dieu aime tellement la justice qu’il n’abandonne point les saints, bien qu’il les afflige pour un temps; et comme il afflige celui qu’il reçoit au nombre de ses enfants, il n’a pas épargné son Fils unique, bien qu’il ne trouvât en lui aucun péché. « Le Seigneur donc aime la justice, et il n’abandonne point ses saints ». Mais s’il ne les abandonne pas, leur donnera-t-il par hasard ce que tu désires ici-bas, des années nombreuses, une vieillesse prolongée? Tu ne vois pas qu’en désirant la vieillesse, tu désires ce qui sera un sujet de plainte quand il arrivera. Ferme donc l’oreille à toute âme ou méchante, ou infirme, ou bornée, qui te dirait « Comment se peut-il que Dieu aime la justice et n’abandonnera point ses saints? » A la vérité, il n’a point abandonné les trois enfants qui le bénissaient dans la fournaise : le feu ne les toucha point4; mais les Macchabées n’étaient-ils pas des saints, quand leur corps et non leur foi succomba dans les flammes5 ? Il est vrai, diras-tu, que c’est là une grande difficulté, de voir que ces hommes demeurent fermes dans la foi et que Dieu les abandonne. Ecoute ce qui suit : « Ils seront conservés pour l’éternité ». Tu leur souhaitais quelques années; et, pour le Seigneur, les leur accorder, c’eût été, penses-tu, ne pas les abandonner. Il accordait une protection visible aux enfants de la fournaise, aux Macchabées une protection invisible ; il confondait les infidèles en donnant aux premiers la vie du temps; il préparait à l’impiété des juges en couronnant les seconds d’une manière invisible; et il n’abandonnait ni les uns ni les autres, lui « qui n’abandonnera point ses saints». Et les trois enfants n’eussent obtenu qu’une mince faveur, s’ils n’eussent eu l’éternité pour expectative « Ils seront conservés pour l’éternité ».