13.
«Je rugissais dans les frémissements de mon coeur1».Vous remarquez souvent que les serviteurs de Dieu pleurent et gémissent; vous en demandez la cause, et il n’apparaît au dehors que le gémissement de quelques serviteurs de Dieu, si toutefois il arrive aux oreilles de son voisin. Car il y a un gémissement secret que les hommes n’entendent pas; et toutefois, si le coeur est en proie à quelque pensée ou quelque violent désir, jusqu’à trahir par quelque cri extérieur la blessure de l’homme intérieur, on en demande la cause; et l’homme se dit en lui-même : Peut–être est-ce pour tel sujet qu’il gémit, peut-être lui a-t-on fait tel mal. Mais qui peut comprendre la raison de ses soupirs, sinon l’homme qui les entend ou qui les voit? si dit-il : « Je rugissais dans le gémissement de mon cœur »; parce que les hommes entendent les gémissements d’un autre homme, n’entendent souvent que les gémissements de la chair, et non le rugissement du coeur. Tel, que je ne connais point, a ravi à un autre son bien; celui-ci gémit, mais non dans son coeur; celui-là gémit, parce qu’il a perdu un fils, cet autre une épouse; tel, parce la grêle a ravagé sa vigne; tel, parce que son vin s’est aigri; tel, parce qu’on lui a volé un cheval; tel, parce qu’il a subi quelque perte; tel, parce qu’il craint un ennemi; tous ceux-là gémissent, mais dans le rugissement la chair. Quant au serviteur de Dieu, qui rugit en se souvenant du sabbat, lequel est règne de Dieu, et que ne posséderont ni le sang ni la chair2, il peut dire: « Je rugissais dans les frémissements de mon cœur ».