5.
« Un feu s’est embrasé dans ma méditation1 ». Mon coeur a été dans l’inquiétude. Je voyais les insensés et j’en séchais de dépit2, et dans mon silence j’étais dévoré par le zèle de votre maison3. J’ai jeté les yeux sur le Seigneur qui me disait: « Méchant et paresseux serviteur, si tu donnais mon argent aux banquiers, à mon retour je le retirerais avec usure ». Et que le Seigneur détourne de ses ministres cette malédiction : « Jetez dans les ténèbres extérieures », pieds et poings liés, ce serviteur sinon dissipateur, du moins négligent à faire valoir4. Mais, si l’on condamne ainsi le paresseux qui a conservé l’argent du maître, que sera-ce de ceux qui l’ont dissipé dans la débauche? « Un feu s’est embrasé dans ma méditation ». Placé dans cette alternative de parler ou de se taire, en face d’auditeurs dont les uns cherchaient à le calomnier, les autres à s’instruire ; sujet d’opprobre pour ceux qui sont dans l’abondance, de mépris pour les orgueilleux5, et considérant combien sont heureux ceux qui ont faim et soif de la justice6, n’ayant de toutes parts que fatigue et qu’affliction; craignant de jeter des perles devant les pourceaux, craignant aussi de ne point donner la nourriture aux vrais serviteurs ; dans cette angoisse il cherche un état plus avantageux que ce ministère qui offre à l’homme tant de labeurs et de dangers ; il soupire après cette fin où l’homme n’aura rien de pareil à souffrir, après cette fin, dis-je, où le Seigneur dira à son fidèle serviteur: « Entre dans la joie de ton Seigneur7 : J’ai parlé, dit-il, en mon langage8 ». Donc, au milieu de ces angoisses, de ces dangers, de ces difficultés, parce que le bonheur que vous fait goûter la loi de Dieu n’empêche pas que la charité de plusieurs se refroidisse9 ; au milieu de toutes ces peines, « j’ai parlé », dit le prophète, « en mon langage ». A qui? Non point à un auditeur que je veux instruire, mais à celui que je veux pour maître, et qui m’exaucera. « J’ai parlé dans mon langage», à celui qui me dit intérieurement tout ce que j’entends de bon et de vrai. Qu’as-tu dit? : « Seigneur, faites-moi connaître ma fin ». J’ai déjà devancé bien des objets, je suis arrivé à d’autres, et ceux auxquels je suis arrivé sont meilleurs que ceux que j’ai devancés; mais il m’en reste beaucoup à dépasser encore. Nous ne demeurerons point toujours en ces lieux où nous devons subir la tentation, les scandales, les auditeurs et les calomniateurs. « Faites-moi donc connaître ma fin » : cette fin qui me manque, et non la course que j’ai déjà faite.