Traduction
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Méthode pour enseigner aux catéchumènes les éléments du Christianisme
CHAPITRE XVI.
DISCOURS QUE L’ON PEUT TENIR A UN CATÉCHUMÈNE. EXORDE TIRÉ DE LA RÉSOLUTION QU’A PRISE L’AUDITEUR D’EMBRASSER LA FOI CHRÉTIENNE POUR TROUVER ENFIN LA PAIX : LES HONNEURS, LES RICHESSES, LES PLAISIRS, LES SPECTACLES, NE FONT QUE TROUBLER LE COEUR.
- Je suppose donc qu’un homme d’un esprit ordinaire, habitant la ville, tel que tu dois en rencontrer beaucoup à Carthage, vienne te trouver dans l’intention de se faire chrétien. Tu lui demandes s’il a pris cette résolution pour jouir de quelque avantage temporel, ou pour goûter la paix qui nous est promise dans l’autre vie; il répond qu’il n’aspire qu’à la paix éternelle; tu peux alors lui tenir à peu près ce discours :
Grâces soient rendues à Dieu, mon frère je te félicite d’avoir eu le bonheur de songer à t’assurer un port au milieu des orages si terribles et si dangereux du monde. On se dévoue ici-bas aux plus rudes fatigues pour trouver le repos et la sécurité, mais les passions ne permettent pas d’y atteindre. On veut en effet goûter le repos au sein des choses agitées et passagères, et comme le temps les emporte avec lui, la crainte et les regrets troublent le coeur et ne lui laissent aucun moment de calme. L’homme veut-il se reposer au scindes richesses? elles lui donnent plus d’orgueil que de tranquillité. Que de gens, comme nous l’apprend l’expérience; perdent tout à coup leur fortune ou trouvent la mort, soit en courant après les richesses, soit en voulant défendre leurs trésors contre lui rival plus avare! Lors même que la richesse serait fidèle à l’homme toute sa vie et ne quitterait pas son avide possesseur , il faudrait bien qu’il la quitte en mourant. Et quelle est donc la durée de la vie,même quand on atteint la vieillesse ? Désirer la vieillesse, n’est-ce pas désirer une longue maladie ? Quant aux honneurs du monde, qu’impliquent-ils sinon l’orgueil, la vanité, la ruine du salut ? C’est en ce sens que la sainte Ecriture nous dit : « Toute chair est semblable à l’herbe des champs, et la gloire de l’homme est semblable à la fleur d’une herbe: l’herbe se dessèche, la fleur tombe, «la parole de Dieu seule demeure éternellement1». Ainsi, quiconque aspire au bonheur et à la paix inaltérable, doit se détacher des biens passagers et périssables du monde pour ne mettre espoir que dans la parole de Dieu : en s’attachant à l’Etre qui demeure éternellement, il participera à son immutabilité.
- D’autres ne songent ni à s’enrichir, ni à briguer le vain éclat des honneurs; ils mettent leur félicité et leur repos à hanter les tavernes ou les maisons de débauche, à fréquenter les théâtres et à jouir de ces représentations frivoles qu’on leur donné gratuitement dans les grandes villes. La passion du luxe triomphe vite de leur pauvreté; et, de la misère ils tombent dans le vol, la rapine ou même le brigandage. Ils se trouvent tout à coup en proie à des craintes mortelles : naguère encore ils chantaient dans la taverne, maintenant ils ne rêvent plus que torture et prison. Quant à la passion des spectacles, elle les change en démons : ils encouragent à grands cris les gladiateurs à se tuer réciproquement; si le sang ne coule pas, ils font naître dans leur coeur des sentiments de rivalité et un ardent désir de plaire à un peuple en délire. S’aperçoivent-ils que les combattants sont de connivence, ils- s’indignent, ils s’écrient qu’on doit les frapper de verges, comme s’ils étaient coupables de collusion; ils condamnent le magistrat, né pour venger la justice, à ordonner cette injustice révoltante. Savent-ils au contraire qu’une haine irréconciliable divise les comédiens et les danseurs, les cochers et les dompteurs d’animaux, et tous les malheureux qu’ils engagent dans des luttes à outrance contre leurs semblables ou les bêtes sauvages? plus ils voient les concurrents animés de sentiments hostiles, plus ils leur témoignent de faveur et d’enthousiasme; ils applaudissent à la fureur de la lutte et provoquent les applaudissements; ils se communiquent leur délire, plus insensés encore que les victimes insensées dont ils stimulent l’aveugle courage : la folie fait tout le charme du spectacle. La paix d’un esprit sain pourrait-elle donc remplir un coeur qui se repaît de querelles et de discorde ? La santé n’est-elle pas toujours en rapport avec les aliments?
Enfin, quelque soit le charme attaché à ces joies, si on peut appeler ainsi des joies insensées, que faut-il pour nous rendre insensibles à l’orgueil des richesses, à l’éclat éblouissant des hommes, aux plaisirs ruineux des tavernes, aux luttes sanglantes du théâtre, à la débauche, à l’obscénité des bains publics? Une fièvre légère nous dérobe ces joies, telles qu’elles, et suffit pour saper, même avant la mort, notre prétendue félicité : il ne nous reste qu’un coeur vide et gangrené. qu’attend la justice du Dieu dont il a dédaigné la protection, la sévérité du Maître en qui il n’a pas voulu chercher ni aimer un Père tendre.
Pour toi, mon frère, qui cherches le repos promis aux chrétiens après la mort, tu commenceras à en goûter la douceur dès ici-bas, au sein même des soucis les plus amers de la vie, si tu t’attaches avec amour aux préceptes de Celui qui l’a promis. Tu ne tarderas pas à sentir que les fruits de la justice sont plus doux que ceux de l’iniquité et qu’une conscience pure au milieu des chagrins inspire une joie plus réelle: et plus vive qu’une conscience bourrelée au milieu des voluptés: ce ne sont point en effet les avantages temporels qui t’engagent à entrer dans l’Église de Dieu ».
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Is. XL, 6-8. ↩
Edition
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De catechizandis rudibus
CAPUT XVI. Formula orationis catechistae.
24. Exordium ductum a laudabili proposito suscipiendae christianae religionis, propter futuram requiem. Requies in rebus inquietis non quaerenda. Non in divitiis, nec in [Col. 0329] honoribus. Requiem quaerentes in oblectamentis carnis et in spectaculis.]: Sed tamen faciamus aliquem venisse ad nos, qui vult esse christianus, et de genere quidem idiotarum, non tamen rusticanorum, sed urbanorum, quales apud Carthaginem plures experiri te necesse est: interrogatum etiam utrum propter vitae praesentis aliquod commodum, an propter requiem quae post hanc vitam speratur, christianus esse desiderat, propter futuram requiem respondisse: tali fortasse a nobis instrueretur alloquio. Deo gratias, frater: valde tibi gratulor, et gaudeo de te, quod in tantis ac tam periculosis hujus saeculi tempestatibus de aliqua vera et certa securitate cogitasti. Nam et in hac vita homines magnis laboribus requiem quaerunt et securitatem, sed pravis cupiditatibus non inveniunt. Volunt enim requiescere in rebus inquietis et non permanentibus: et quia illae tempore subtrahuntur et transeunt, timoribus et doloribus eos agitant, nec quietos esse permittunt. Sive enim in divitiis velit homo requiescere, magis superbus efficitur, quam securus. Annon videmus quam multi eas subito perdiderint, multi etiam propter illas perierint, aut cum eas habere cupiunt, aut cum eis oppressis a cupidioribus auferuntur? Quae si etiam per totam vitam cum homine permanerent, et non desererent dilectorem suum, ipse illas sua morte desereret. Quanta est enim vita hominis, etiamsi senescat? Aut cum sibi homines optant senectutem, quid aliud optant nisi longam infirmitatem? Sic et honores hujus saeculi, quid sunt nisi typhus, et inanitas, et ruinae periculum? Quia sic Scriptura sancta dicit: Omnis caro fenum, et claritas hominis ut flos feni. Fenum aruit, flos decidit; verbum autem Domini manet in aeternum1. Ideo qui veram requiem et veram felicitatem desiderat, debet tollere spem suam de rebus mortalibus et praetereuntibus, et eam collocare in verbo Domini; ut haerens ei quod manet in aeternum, etiam ipse cum illo maneat in aeternum.
25. Sunt etiam homines qui nec divites quaerunt esse, nec ad vanas honorum pompas ambiunt pervenire: sed gaudere et requiescere volunt in popinis et in fornicationibus, et in theatris atque spectaculis nugacitatis quae in magnis civitatibus gratis habent. Sed sic etiam ipsi aut consumunt per luxuriam paupertatem suam, et ab egestate postea in furta et effracturas, et aliquando etiam in latrocinia prosiliunt, et subito multis et magnis timoribus implentur; et qui in popina paulo ante cantabant, jam planctus carceris somniant. Studiis autem spectaculorum fiunt daemonibus similes, clamoribus suis incitando homines ut se invicem caedant, secumque habeant contentiosa certamina qui se non laeserunt, dum placere insano populo cupiunt: quos si animadverterint esse concordes, tunc eos oderunt et persequuntur, et tanquam collusores ut fustibus verberentur [Col. 0330] exclamant, et hanc iniquitatem facere etiam vindicem iniquitatum judicem cogunt; si autem horrendas adversus invicem inimicitias eos exercere cognoverint, sive sintae qui appellantur, sive scenici et thymelici, sive aurigae, sive venatores, quos miseros non solum homines cum hominibus, sed etiam homines cum bestiis in certamen pugnamque committunt; quo majore adversus invicem discordia furere senserint, eo magis amant et delectantur, et incitatis favent, et faventes incitant, plus adversus se ipsos insanientes ipsi spectatores alter pro altero, quam illi quorum insaniam insani provocant, sed insaniendo spectare desiderant. Quomodo ergo sanitatem pacis tenere animus potest, qui discordiis et certaminibus pascitur? Qualis enim cibus sumitur, talis valetudo consequitur. Postremo quamvis insana gaudia non sint gaudia, tamen qualiacumque sint, et quantumlibet delectet jactantia divitiarum, et tumor honorum, vorago popinarum, et bella theatrorum, et immunditia fornicationum, et prurigo thermarum; aufert omnia ista una febricula, et adhuc viventibus totam falsam beatitudinem subtrahit: remanet inanis et saucia conscientia, Deum sensura judicem, quem noluit habere custodem; et inventura asperum Dominum, quem dulcem patrem quaerere et amare contempsit. Tu autem quia veram requiem quae post hanc vitam Christianis promittitur quaeris, etiam hic eam inter amarissimas vitae hujus molestias suavem jucundamque gustabis, si ejus qui eam promisit praecepta dilexeris. Cito enim senties dulciores esse justitiae fructus quam iniquitatis, et verius atque jucundius gaudere hominem de bona conscientia inter molestias, quam de mala inter delicias; quia non sic venisti conjungi Ecclesiae Dei, ut ex ea temporalem aliquam utilitatem requiras.
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Isai XL, 6-8. ↩