CHAPITRE XVI. USER DU MARIAGE COMME DES ALIMENTS.
18. Ce que la nourriture est à la santé de l'homme, le mariage l'est à la conservation du genre humain. L'un et l'autre produisent une délectation charnelle; mais cette délectation, contenue dans certaines limites, et restreinte par la tempérance au besoin naturel, ne peut pas être appelée de la passion1. Or ce qu'est une nourriture illicite pour soutenir la santé, la fornication et l'adultère le sont pour obtenir de la famille. Supposez maintenant une nourriture illicite, non plus pour entretenir la santé, mais uniquement pour flatter l'estomac et la gourmandise, c'est l'image d'un commerce illicite qui en flattant la passion ne cherche point la génération. Ce qu'est enfin, pour quelques-uns, l'usage excessif de nourritures permises, c'est ce que sont pour les époux les relations conjugales dignes de pardon. De même donc qu'il est mieux de se laisser mourir de faim, que de manger des viandes certainement offertes aux idoles'; de même il est mieux de mourir sans postérité que d'en chercher dans des relations coupables. Au contraire, de quelque manière que la naissance s'opère, si les enfants n'imitent pas les vices de leurs parents et s'ils servent Dieu comme il faut, ils seront honorables et sauvés. La semence de l'homme, de quelque source qu'elle découle, est l'œuvre de Dieu; en user mal, c'est se rendre coupable, mais, malgré l'abus, elle reste toujours ce qu'elle est. De même donc que l'adultère n'est nullement justifié par d'excellents enfants, qui en seraient le fruit; de même le mariage n'est nullement incriminé parce qu'il produit quelquefois des enfants mauvais. Nos pères du Nouveau Testament, quand, par devoir, ils prenaient leurs aliments, pouvaient éprouver la délectation naturelle de la chair, mais il faut se garder de les comparer à ceux qui mangeaient des viandes offertes aux idoles', ou même à ceux qui mangeant. des viandes: permises les prenaient: immodérément. De même nos pères de l'Ancien Testament, en usant du mariage par devoir, éprouvaient les effets de la délectation naturelle, mais ils étaient loin. de la pousser jusqu'à la passion criminelle et déraisonnable, à plus forte raison jusqu'aux turpitudes des impudiques ou à l'intempérance de certains époux. C'est la charité qui inspire aujourd'hui de donner à Jérusalem, notre cité par excellence, des enfants spirituels; la même charité inspirait autrefois de lui en donner selon la chair; la diversité seule des temps a causé la diversité des oeuvres de nos pères. C'est ainsi que les prophètes les moins portés aux choses de la chair devaient engendrer charnellement, comme les Apôtres, qui n'avaient. plus rien de charnel, devaient se nourrir de chair. 2