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De Pudicitia
VIII.
[1] Sed enim plerosque interpretes parabolarum idem exitus decipit, quem in uestibus purpura oculandis saepissime euenire est. Cum putaueris recte conciliasse temperamenta colorum et credideris comparationes eorum inter se amasse, erudito mox utroque corpore et luminibus expressis errorem omnem traducta diuersitas euomet. [2] Eadem itaque caligine circa filiorum quoque duorum parabolam quibusdam ad praesens concolorantibus figuris a uero lumine exorbitant eius comparationis quam parabolae materia praetexit. [3] Duos enim populos in duobus filiis collocant, Iudaicum maiorem, Christianum minorem. Nec enim possunt exinde Christianum peccatorem in filio minore disponere ueniam consecuturum, nisi in maiore Iudaicum expresserint. [4] Porro si Iudaicum ostendero deficere a comparatione filii maioris, consequenter utique nec Christianus admittetur de configuratione filii minoris. Licet enim filius audiat et Iudaeus et maior, quia prior in adoptione, licet et Christiano reconciliationem Dei Patris inuideat, quod uel maxime diuersa pars carpit, sed non erit Iudaei dictum ad patrem : Ecce quot annis tibi seruio et praeceptum tuum numquam praeteriui. [5] Quando enim non transgressor legis Iudaeus, aure audiens et non audiens, odio habens traducentem in portis et aspernamento sermonem sanctum? Sic nec patris ad Iudaeum erit uox : Tu semper mecum es, et omnia mea tua sunt. [6] Iudaei enim apostatae filii pronuntiantur, generati quidem et in altum elati, sed qui non computauerint Deum et qui dereliquerint Dominum et in iram prouocauerint sanctum Israelis. [7] Omnia plane Iudaeo concessa dicemus, cui etiam condicio gratior quaeque de gula erepta est, nedum ipsa terra paternae promissionis. Atque adeo non minus hodie Iudaeus quam minor filius prodacta substantia Dei in aliena regione mendicat seruiens usque adhuc principibus eius, id est saeculi huius. [8] Quaerant igitur alium Christiani suum fratrem ; Iudaeum enim parabola non recipit. Multo aptius Christianum maiori et Iudaeum minori filio adaequassent secundum fidei comparationem, si ordo utriusque populi ab utero Rebeccae designatus permitteret demutationem. Nisi quod et clausula refragaretur. [9] Christianum enim de restitutione Iudaei gaudere et non dolere conueniet, siquidem tota spes nostra cum reliqua Israelis expectatione coniuncta est. Ita etsi quaedam facient, sed aliis contra sapientibus interimitur exemplorum peraequatio. [10] Quamquam, etsi omnia ad speculum respondere possint, unum sit praecipuum periculum interpretationum, ne aliorsum temperetur facilitas comparationum, quam quo parabolae cuiusque materia mandauit. [11] Meminimus enim et histriones, cum allegoricos gestus adcommodant canticis, alia longe a praesenti et fabula et scaena et persona et tamen congruentissime exprimentes. Sed uiderit ingenium extraordinarium. Nihil enim ad Andromacham. [12] Sic et haeretici easdem parabolas quo uolunt tribuunt, non quo debent. Aptissime excludunt. Quare aptissime? Quoniam a primordio secundum occasiones parabolarum ipsas materias confinxerunt doctrinarum. Vacuit scilicet illis solutis a regula ueritatis ea conquirere atque componere, quorum parabolae uidentur.
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De la pudicité
VIII.
Il arrive à la plupart de ceux qui interprètent les paraboles ce qui arrive d'ordinaire pour des étoffes de pourpre qu'il s'agit de reproduire. Quand vous croyez avoir habilement adapté les nuances des couleurs et rendu l'original par une imitation exacte, aussitôt que vous examinez les deux corps, et que la lumière joue sur eux, les dissemblances qui s'en échappent dissipent toute l'erreur. Ceux-là marchent dans les mêmes ténèbres, qui, dans la parabole des deux fils, prenant prétexte de quelques figures semblables en apparence, s'éloignent de la lumière véritable de cette comparaison que recouvre la matière de la parabole. Ils veulent que les deux peuples soient représentés par les deux fils, le Juif par le fils aîné, le Chrétien par le plus jeune. Ils ne peuvent en effet établir que le Chrétien pécheur obtiendra son pardon dans la personne du plus jeune des deux fils, sans que l'aîné devienne pour eux le symbole du peuple Juif. Or, si je parviens à démontrer que la comparaison du peuple Juif avec le fils aîné n'est pas légitime, il sera impossible d'admettre par voie de conséquence que le second fils soit l'image du peuple Chrétien. Vainement donc le Juif est honoré du nom de fils et de fils aîné, parce qu'il a été le premier du côté de l'adoption; vainement il envie au Chrétien l'honneur d'avoir été réconcilié avec Dieu le Père, chose dont la partie contraire fait grand bruit; toujours est-il que ce n'est pas le Juif qui dit au Père: « Voilà que depuis tant d'années je vous sers, et je n'ai jamais transgressé vos ordres. » A quelle époque en effet, le Juif ne transgressa-t-il point les ordres du Seigneur, lui qui « entendait sans comprendre, qui haïssait le juge zélé pour la justice, et méprisait la sainte parole? » Par là même cette réponse du Père ne s'adressera pas davantage au Juif: « Vous êtes toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à vous. » Pourquoi cela? Parce que les Juifs sont déclarés des fils apostats, qui ont été engendrés et nourris en haut lieu, mais qui ont méconnu le Seigneur, « qui l'ont abandonné, et ont allumé la colère du Saint d'Israël.
Sans doute, les plus nobles prérogatives ont été accordées au Juif; toutefois elles lui ont été enlevées à cause de son intempérance; à plus forte raison, la terre des promesses paternelles. Cela est si vrai, que le Juif semblable au plus jeune des deux fils, et comme lui dissipateur des trésors divins, s'en va mendiant à travers les contrées étrangères, esclave aujourd'hui encore de ses maîtres, c'est-à-dire des princes de ce monde. Que les Chrétiens cherchent donc un autre frère; la parabole ne peut s'appliquer au Juif.
Il y aurait eu plus de convenance à comparer le Chrétien au fils aîné et le Juif au plus jeune, par rapport à la foi, si l'ordre de ces deux peuples, déterminé dès le sein de Rébecca, permettait ce changement, que contredit d'ailleurs la conclusion de la parabole. Car il convient au Chrétien de se réjouir et non de s'attrister du rétablissement des Juifs, puisque notre espérance tout entière repose sur le même fondement que l'attente d'Israël. Ainsi, quoique certaines particularités aillent au but, il en est beaucoup d'autres qui, pour quiconque réfléchit mûrement, détruisent la parité de l'exemple. Quand même toutes les circonstances se rapporteraient l'une à l'autre avec l'exactitude d'un miroir qui rend une image, l'interprète devrait craindre encore que la justesse des comparaisons ne soit détournée du sens véritable que demandait la substance de chaque parabole. Ne savons-nous pas que les pantomimes, lorsqu'ils adaptent à des chants des gestes allégoriques, expriment des choses parfaitement liées entre elles, mais qui n'ont aucun rapport avec la fable, la scène et le personnage présents? Mais qu'importe un art en dehors de l'art théâtral? Il n'a rien de commun avec Andromaque. Ainsi, les hérétiques donnent à ces mêmes paraboles un sens conforme à leur caprice pour l'appliquer habilement là où ils ne devraient pas. Pourquoi habilement? Parce que dès l'origine ils ont concerté les matières de leurs doctrines, pour qu'elles eussent à correspondre aux paraboles. Une fois affranchis du joug de la vérité, il leur a été facile de combiner leurs opinions et leurs dogmes avec le sens apparent de ces paraboles.