CHAPITRE XIV. LA VIRGINITÉ GLORIFIÉE AU CIEL.
14. Nous devons, sans doute, éviter les nécessités présentes, mais par là j'entends uniquement celles qui diminuent les biens de la vie future. Telle est la nécessité qui oblige la vie conjugale à s'occuper des choses de la terre, l'homme à chercher à plaire à sa femme et ta femme à son mari. Cette nécessité, toutefois, n'exclut pas du royaume des cieux ; il n'y a que le péché qui produise cette séparation, voilà pourquoi il est l'objet d'un précepte formel et non pas d'un simple conseil ; car, ne pas obéir à un précepte divin, c'est mériter la damnation. Il y aura donc une augmentation de gloire pour celui qui aura cherché plus avidement ce qui plaît davantage à Dieu. Une telle augmentation ne peut pas être pour le mariage, car cet état nécessite d'autres soucis que la recherche de ce qui peut plaire à Dieu. De là cette parole : « Je n'ai sur la virginité aucun précepte divin à imposer1 ». En effet, ne pas remplir un commandement, c'est se rendre coupable et mériter le châtiment. Ce n'est donc pas un péché de se marier, puisque le mariage n'est pas défendu par un commandement ; il suit de là que la virginité n'est l'objet d'aucun précepte divin. D'un autre côté, pour arriver à la vie éternelle il faut être sans péché, soit qu'on l'ait toujours évité, soit qu'on en ait obtenu la rémission. Mais dans le ciel il est une gloire qui ne sera accordée qu'à quelques-uns des vainqueurs, à ceux-là seulement qui, non contents de se dépouiller du péché, auront voué librement quelque sacrifice au Rédempteur, sacrifice qu'ils auraient pu, sans crime, ne pas vouer, mais dont le voeu et la réalisation leur sera un titre de gloire. Voilà pourquoi « je donne un conseil, dit l'Apôtre, comme ayant moi-même obtenu de Dieu la faveur miséricordieuse d'y être fidèle ». Dois-je avec jalousie conserver pour moi ce conseil, moi qui suis fidèle, non par l'effet de mes propres mérites, mais grâce à la divine miséricorde ? « Je pense donc qu'à raison de la nécessité présente, c'est un bien de rester vierge » ; mais ce n'est pas un précepte que j'impose, je n'en ai reçu aucun, c'est un conseil que je donne. Je sais, en effet, quelle nécessité pèse dans cette vie sur ceux qui sont entrés dans le mariage; car, dans cet état, s'ils s'occupent encore des choses de Dieu, ce ne peut-être d'une manière assez constante pour arriver à cette gloire qui ne sera le partage que de quelques élus dans la vie éternelle. « Une étoile diffère d'une autre étoile en clarté; ainsi en sera-t-il pour la résurrection des morts2. L'homme donc a fait bien de rester vierge ».